Abattement retraite : Critère d’exercice de l’activité opérationnelle par une holding animatrice
Dès lors que la société dont les titres sont cédés répond à la définition de la holding animatrice donnée par le Conseil d’Etat, elle doit être considérées comme une société opérationnelle pour le bénéfice de l’abattement retraite des dirigeants de PME qui cèdent leurs titres (CE. 13 juin 2018). Lorsqu’un dirigeant de PME soumis à l’IS cède ses titres à l’occasion de son départ à la retraite, il bénéficie, sous conditions, d’un régime de faveur lui permettant de minorer la plus-value immobilière réalisée pour le calcul de l’impôt sur le revenu (article 150-0 D ter du code général des impôts). Selon la date de réalisation des gains, le dispositif de faveur se traduit par l’application : – d’un abattement égal à un tiers pour chaque année de détention dès la fin de la 6ème année, conduisant à une exonération définitive d’impôt sur le revenu après plus de 8 ans révolus de détention, pour les gains réalisés du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2013 (article 150-0 D ter du CGI, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2005) ; – d’un abattement fixe de 500 000€, et pour le reliquat éventuel, d’un abattement proportionnel pour durée de détention renforcé pouvant atteindre 85% au bout de 8 ans de détention des titres cédés, pour les gains réalisés du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2017 (article 150-0 D ter du CGI, dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 2013) ; – d’un abattement fixe de 500 000€ (sans possibilité de cumul avec un abattement pour durée de détention éventuel) pour les gains réalisés du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2022 (article 150-0 D ter du CGI, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2017). Qu’il soit progressif, fixe ou les deux en fonction de la date de réalisation des gains, les conditions requises pour bénéficier de l’abattement spécifique des dirigeants de PME partant à la retraite sont sensiblement identiques. Ces conditions, qui sont cumulatives, ont trait : – aux titres cédés ; – à la société dont les titres sont cédés ; – et à l’exercice d’une fonction par le dirigeant. Parmi les conditions relatives à la société dont les titres sont cédés, celle-ci doit continûment avoir exercé, pendant les 5 années précédant la cession “une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière, à l’exception de la gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier, ou (avoir) pour objet social exclusif de détenir des participations dans des sociétés exerçant les activités précitées”. Dans sa doctrine, l’administration a précisé que l’abattement s’applique aux sociétés holding animatrices de leur groupe. Il s’agit de sociétés qui participent activement à la conduite de la politique du groupe et au contrôle des filiales et qui rendent, le cas échéant et à titre purement interne au groupe, des services spécifiques administratifs, juridiques, comptables, financiers ou immobiliers (BOFiP du 12 septembre 2012). En l’espèce, plusieurs dirigeants ayant cédé en 2006 les titres de la société dans laquelle ils exerçaient ont prétendu bénéficier du dispositif d’abattement retraite alors en vigueur (abattement d’un tiers pour chaque année de détention au-delà de la 6ème année) conduisant à l’exonération totale des plus-values réalisées pour le calcul de l’impôt sur le revenu. Il est précisé que la société dont les titres ont été cédés était une holding issue du rachat d’une société d’exploitation. L’administration a refusé l’application de l’abattement retraite aux gains réalisés au motif que la condition tenant à l’activité opérationnelle de la holding dont les titres ont été cédés, posée tant par la loi fiscale que par l’interprétation qu’elle en donnait dans ses commentaires, n’était pas remplie. Déboutés devant le tribunal administratif et en appel, les cédants se pourvoient en cassation. Il s’agissait de savoir si la condition tenant à l’exercice d’une activité opérationnelle était considérée comme remplie par la holding cédante. Selon le Conseil d’Etat, il résulte de l’instruction que la société cédante doit être considérée comme une société holding animatrice de son groupe. La holding animatrice est une société qui a pour activité principale, outre la gestion d’un portefeuille de participations, la participation à la conduite de la politique du groupe et au contrôle de ses filiales et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers. La holding animatrice doit animer son groupe à titre principal Pour justifier du rôle d’animation de la holding dont les titres ont été cédés, les éléments suivants ont été retenus : – la holding détenait 95% du capital de sa filiale ; – le PDG de la holding était également PDG de la filiale, de même que certains hommes-clés de la filiale étaient au conseil d’administration de la holding ; – les procès-verbaux des conseils d’administration de la holding attestaient, dès 1999, sa participation, conformément à ses statuts, à la conduite de la politique de sa filiale et aux filiales de celle-ci, en faisant état de plusieurs actions concrètes (recherche de nouveaux partenaires, détermination de projets de recherche et de développement dépassant le cadre de ses prérogatives d’actionnaires) ; – enfin, la holding et sa filiale avaient conclu en 2003 une convention d’assistance en matière administrative et en matière de stratégie et de développement précisant que la holding prendrait part activement à la stratégie et au développement de sa filiale. Selon le Conseil d’Etat, l’activité d’animation du groupe par la holding doit être exercée à titre principal. En l’espèce, sur le prix de cession des titres de la holding, un pourcentage de 56,2% correspondait à la valeur vénale de la filiale, ce qui représentait une part importante de ses actifs. Par ailleurs, si les disponibilités de la holding investies en titre de placement avaient augmenté continûment pendant les 5 années précédant la cession, cette augmentation provenait des dividendes versés par la filiale. Ce qui permettait de considérer que pendant cette période de 5 ans la part de la valeur vénale de la filiale dans l’actif de la holding avait diminué pour atteindre à la date de la cession le chiffre de 56,2%. De sorte que la holding devait être considérée comme ayant eu pour activité principale le participation active à la conduite du groupe et au contrôle de sa filiale de manière continue pendant les 5 ans qui ont précédé la cession. La holding animatrice doit être considérée comme une société opérationnelle Dès lors que la société peut être qualifiée de holding animatrice parce que, outre la gestion d’un portefeuille de participations, elle anime son groupe à titre principal, elle doit être regardée comme une société exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière au sens des dispositions du code général des impôts pour le bénéfice de l’abattement retraite éclairées par les travaux préparatoires de la loi de finances rectificative pour 2005 de laquelle elles sont issues.
Société mère : Co-emploi ou faute
La Cour de Cassation maintient sa position restrictive sur la reconnaissance du coemploi entre la filiale et la société mère lors de licenciements économiques. En revanche, elle ouvre la possibilité de rechercher la coresponsabilité de la société mère lorsque les licenciements économiques dans sa filiale ont été générés par sa faute. Illustration avec quatre affaires rendues le 24 mai dernier. Les quatre arrêts rendus par la Cour de Cassation concernaient des sociétés françaises en redressement ou liquidation judiciaire. Ces procédures avaient toutes abouti à des licenciements économiques. Les salariés estimaient que leur licenciement était sans cause réelle et sérieuse et agissaient en justice pour obtenir des dommages et intérêts à ce titre. Pour mettre toutes les chances de leur côté, ils invoquaient à la fois la responsabilité de leur société employeur et celle de la société mère en invoquant le coemploi, la faute ou la légèreté blâmable de celle-ci. Leurs actions subissent des sorts divers en fonction des faits de chaque affaire mais la stratégie du coemploi s’avère systématiquement rejetée par les juges. La reconnaissance du coemploi permet aux salariés licenciés pour motif économique qui réclament des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse auprès de leur ancien employeur d’obtenir la condamnation in solidum de la société mère. Cette démarche est pragmatique : il vaut mieux, en effet, pour les salariés, chercher à se faire indemniser par la société mère, en général plus solvable que sa filiale en grande difficulté financière. Elle est aussi motivée par la conviction, vraie ou fausse, que leur employeur a été mis en difficulté par les mauvaises décisions de la société mère. Toutefois, depuis 2014, la Cour de Cassation a particulièrement restreint la notion de coemploi. Elle exige : – soit la démonstration de l’existence d’un lien de subordination entre la société mère et le ou les salariés de la filiale ; – soit une confusion d’intérêts, d’activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de la filiale allant au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe. L’une des quatre affaires symbolise l’évolution restrictive de la jurisprudence puisqu’elle concerne un dossier emblématique de la notion de coemploi, celui de la société Metaleurop. En 2011, la Cour de Cassation avait reconnu à la société mère la qualité de coemployeur et l’avait condamnée à indemniser les salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse. Mais la cour d’appel de Douai, le 31 janvier 2017, a pris acte de l’évolution restrictive de la Cour de Cassation de 2014 et dénié à la société mère la qualité de coemployeur. La Cour de Cassation approuve logiquement le rejet du coemploi, remettant en cause sa position adoptée dans cette même affaire en 2011. En effet, la société Metaleurop Nord avait conservé son autonomie décisionnelle dans ses fonctions de production et le respect des réglementations, dans sa gestion comptable et dans celle des ressources humaines pour le personnel non cadre. L’intervention de la société mère dans la nomination des instances dirigeantes et du contrôle de leur action ou l’attribution d’une prime exceptionnelle aux cadres dirigeants, ainsi que dans la gestion financières de la filiale par le biais d’une convention d’assistance technique et de gestion de trésorerie n’excédait pas la nécessaire coordination des actions économiques entre deux sociétés appartenant à un même groupe. Il n’y avait donc pas de coemploi. Les autres arrêts du 24 mai 2018 se situent dans la même ligne. Dans l’une de ces décisions, la Cour de Cassation exclut tout coemploi dans la mesure où la filiale conservait son autonomie décisionnelle, notamment dans la gestion sociale et financière de l’entreprise et dans la stratégie commerciale ou la production, et où elle n’avait pas la même activité ni la même clientèle que la société mère. Dans les deux autres arrêts, la Cour de Cassation ne répond même pas à l’argument des salariés relatif au coemploi. La stratégie du coemploi ne peut donc concerner que des cas bien particuliers où la filiale et la société mère ne font qu’une du fait de l’immixtion de celle-ci dans la gestion de sa filiale. En revanche, la faute ou la légèreté blâmable de la société mère envers sa filiale peut permettre aux salariés d’engager sa responsabilité extra-contractuelle dans les licenciements qui s’en sont ensuivis et de la condamner in solidum au versement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ainsi, dans l’une des affaires, une société française de l’habillement avait été confrontée à des difficultés économiques, qui avaient conduit à sa mise en redressement judiciaire, puis à sa liquidation judiciaire et au licenciement économique des salariés. Ils avaient alors intenté une action en vue d’obtenir des dommages et intérêts en invoquant la responsabilité du groupe central, et ont obtenu gain de cause. Une autre affaire aboutit également à la condamnation de la société mère, car elle avait appauvri ses filiales françaises par d’importantes remontées de dividendes pour les distribuer au groupe dont elle dépendait. Ces remontées étaient manifestement anormales compte tenu des marges d’autofinancement nécessaires à ces sociétés . Elles avaient réduit les fonds propres et les capacités d’autofinancement de ces sociétés filiales ce qui avait provoqué leurs difficultés financières. Par cette opération, la société s’était elle-même mise en difficulté financière et avait dû engager une procédure de licenciement pour motif économique. En revanche, dans la dernière affaire, la société mère n’est finalement pas considérée comme responsable de la liquidation judiciaire de sa filiale. Celle-ci avait fait l’objet d’une succession de rachats par des entreprises pour finalement être mise sous contrôle d’une société devenue son actionnaire à 100%. Il était établi que les difficultés existaient bien avant la prise de participation de la société mère. Aucune faute dans les décisions prises par la société mère n’avait été constatée et celle-ci n’avait pas à se substituer à sa filiale dans ses décisions de stratégie industrielle, ni de gestion des ressources humaines. Les juges ont donc rejeté sa mise en cause.
Accord catégoriel : Inégalités consécutives à l’opposition
Opposition majoritaire à un accord visant les non-cadres Une entreprise avait conclu deux accords collectifs catégoriels (plus précisément deux avenants), l’un pour les cadres, l’autre pour les non-cadres, dans le but notamment d’accroître l’amplitude horaire, mais aussi le nombre de jours d’absence autorisée. Ces deux mesures visaient à compenser les difficultés d’accès au site, consécutives à d’importants travaux. Un syndicat majoritaire avait cependant fait opposition à l’avenant relatif aux nons-cadres, ainsi que le permettaient les anciennes règles de validité des accords collectifs. Inégalité de traitement justifiée entre cadres et non-cadres Cette initiative ayant eu pour conséquence de priver les non-cadres d’un certain nombre de mesures en matière d’aménagement du temps de travail, le syndicat avait ensuite tenté de corriger le tir et demandé le bénéfice de ces mesures, en dénonçant une inégalité de traitement entre les cadres et les non-cadres. La Cour de Cassation reconnaît l’inégalité de traiement, mais constate que cette situation était justifiée par un élément objectif et pertinent, en l’occurrence l’impossibilité d’appliquer un accord frappé d’opposition, donc réputé non écrit. Transposition au régime des accords majoritaires Si on applique cette solution au régime actuel de la validité des accords collectifs – accord majoritaire avec possibilité de repêchage par référendum (article L.2232-12 du code du travail) – cela signifie que si, par exemple, une entreprise parvient à conclure un accord majoritaire concernant les salariés cadres, mais échoue à faire valider un accord concernant les salariés non-cadres, ces derniers ne peuvent pas invoquer le principe d’égalité de traitement pour bénéficier des avantages accordés aux cadres (Cass. 30 mai 2018).
Expertise santé et sécurité : Saisine du juge
Saisine du juge par acte d’huissier L’employeur qui entend contester la décision du CHSCT de recourir à un expert doit saisir le président du tribunal de grande instance dans les 15 jours suivant la délibération du comité (article L.4614-13 du code du travail pour le CHSCT). Le juge statue “en forme des référés” (sur le fond, mais en urgence), ce qui implique que la demande est formée par voie d’assignation, donc par l’intermédiaire d’un huissier (article 485 du code de procédure civile) : le défendeur (ici le CHSCT) est assigné à comparaître à une date déterminée, par acte d’huissier, puis une copie de cet acte est remise au secrétariat greffe de la juridiction. A quel moment doit-on se situer pour vérifier si le délai de 15 jours a bien été respecté : à la date de délivrance de l’assignation au CHSCT ou à celle à laquelle le TGI reçoit copie de cette assignation ? La remise de l’assignation au CHSCT vaut saisine du juge Pour la Cour de Cassation, la date de saisine du juge s’entend de celle de l’assignation. A titre d’exemple, dans l’une des deux affaires soumises à la Cour (Cass. 6 juin 2018), le CHSCT avait voté le recours à une expertise le 5 octobre 2016, puis avait reçu l’assignation le 15 octobre, donc dans le délai de 15 jours. L’employeur avait dès lors agi dans les temps. Peu importe que le greffe du TGI ait reçu copie de cette assignation le 10 novembre. Transposition au CSE Cette solution est applicable à l’expertise diligentée par le comité social et économique (CSE) qui obéit à des règles semblables (article L.2315-86 du code du travail). Une différence doit néanmoins être soulignée : l’employeur n’a que 10 jours pour saisir le président du TGI (article R.2315-49 du code du travail).
Convention réglementée : Tacite reconduction
Depuis le 1er octobre 2016, le code civil comporte une nouvelle disposition relative à la tacite reconduction des contrats. En effet, la tacite reconduction produit les mêmes effets que le renouvellement du contrat (article 1215 du code civil). Par ailleurs, le renouvellement donne naissance à un nouveau contrat (article 1214 du code civil). En conséquence, la Compagnie nationale des commissaires aux comptes confirme sa position sur les conventions réglementées assorties d’une clause de tacite reconduction : au moment de chaque reconduction tacite, la convention doit être considérées comme une nouvelle convention et la procédure applicable aux conventions réglementées doit être respectée (CNCC, mai 2018).