Cessions immobilières : TVA sur la marge
La TVA est calculée sur la marge lorsque le cédant n’a pas pu déduire la TVA lors de l’acquisition du bien. L’administration ajoute à la loi en soumettant le calcul de la TVA sur la marge à une double condition d’identité, physique et juridique, du bien acquis et du bien vendu. Dans une réponse ministérielle, elle assouplit sa doctrine en renonçant au critère de l’identité physique tout en maintenant le critère, illégal, de l’identité juridique. (Sénat, réponse 7 mai 2018). La TVA est calculée sur la marge lorsque le professionnel, assujetti à la TVA et agissant en tant que tel, n’a pas pu déduire la TVA lors de l’acquisition du bien (article 268 du code général des impôts). Le texte de l’article 268 du CGI n’exige aucune autre condition à l’application de la TVA sur la marge. L’administration fiscale a ajouté des conditions non prévues par la loi et soumet l’application de la TVA sur la marge à la condition que l’immeuble revendu soit identique à celui acquis tant sur le plan de ses caractéristiques physiques que sur le plan de sa qualification juridique. L’administration fiscale assouplit sa position en abandonnant le critère des caractéristiques physiques. Cet assouplissement reste, toutefois, très limité comparé à la décision du tribunal administratif de Grenoble, selon laquelle l’article 268 du code général des impôts ne limite pas sa portée aux biens conservant la même qualification juridique de leur acquisition à leur cession (TA Grenoble, 14 novembre 2016). Pour le juge administratif, la modification de la qualification juridique du bien revendu n’est pas un obstacle à la TVA sur la marge. Remettant en cause la doctrine administrative, le tribunal administratif a en effet admis l’application de la TVA sur la marge à des ventes de terrains à bâtir extraits d’ensembles immobiliers comprenant des immeubles bâtis qui avaient été acquis sans droit à déduction. Selon le tribunal “l’application de la TVA sur la marge en matière de livraison de terrain à bâtir est conditionnée au seul fait que l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de TVA ; contrairement à ce que soutient l’administration, il ne ressort pas de ces dispositions que les terrains revenus comme terrains à bâtir doivent nécessairement avoir été comme terrain n’ayant pas le caractère d’immeuble bâti. L’administration ne saurait exiger l’existence d’une division parcellaire ou d’une ventilation du prix au stade de l’acte d’acquisition pour refuser l’application de la TVA sur la marge”. Les juges précisent, en outre, “qu’il ressort de ces dispositions (article 268 du code général des impôts), que dans le cas d’une revente par lots d’un immeuble acheté en une seule fois pour un prix global, chaque vente de lot constitue une opération distincte, à raison de laquelle le vendeur doit acquitter la taxe calculée sur la base de la différence entre, d’une part, le prix de vente de ce lot et, d’autre part, son prix de revient en imputant à ce lot une fraction du prix d’achat global de l’immeuble”. A l’obligation légale selon laquelle l’acquisition ne doit pas avoir ouvert droit à déduction, l’administration soumet l’application de la TVA sur la marge à une condition d’identité entre le bien acquis et le bien vendu et à une division parcellaire préalable à l’acquisition du bien. Ignorant sur ce point la décision du tribunal administratif de Grenoble, l’administration fiscale maintient ce critère. Ainsi, l’application de la TVA sur la marge ne pose pas de difficulté lorsque le bien acquis et le bien vendu ont la même qualification juridique. Il en est ainsi lorsque ces biens sont soit tous les deux non bâtis, soit tous les deux bâtis. La doctrine administrative précise ainsi qu’il n’y a lieur de rechercher le régime de l’acquisition aux fins de déterminer la base d’imposition que pour les seules livraisons d’immeubles acquis et revendus en gardant la même qualification, c’est-à-dire respectivement : – de terrains à bâtir qui ont été acquis précédemment comme terrains n’ayant pas le caractère d’immeuble bâti ; – ou d’immeubles achevés depuis plus de 5 ans qui ont été acquis précédemment en l’état d’immeuble déjà bâti. Le bien dont la qualification juridique est modifiée entre l’acquisition et la cession est, selon l’administration fiscale, exclu de la TVA sur la marge. Au regard des réponses ministérielles précitées, la notion d’identité physique se résumait à une identité de superficie. Ainsi, seules le différences de surface entre les deux biens acquis et vendus semblaient faire obstacle au calcul de la TVA sur marge. Cette exigence d’une identité physique (et donc de superficie) entre le bien acquis et le bien vendu avait exclu du calcul de la TVA sur marge les opérations de revente par lots après découpe qu’il s’agisse de terrains ou d’immeubles bâtis. Selon les termes de la réponse ministérielle du 17 mai 2018, il est admis, y compris pour les opérations en cours, dans le cas de l’acquisition d’un terrain ou d’un immeuble répondant aux conditions de l’article 268 du CGI qui n’a pas ouvert droit à déduction par un lotisseur ou un aménageur qui procède ensuite à sa division en vue de la revente de plusieurs lots, que ces ventes puissent bénéficier du régime de la marge dès lors que la seule condition d’identité juridique est respectée. La modification de surface entre l’acquisition du bien et celle de la vente n’est plus un obstacle à l’application de la TVA sur la marge. Ainsi, si la division parcellaire intervenue entre l’acquisition initiale et la cession a entraîné un seul changement physique telle une modification des superficies vendues, la taxation se fait sur marge. La nouvelle doctrine administrative permet aux opérations de revente par lots après découpe, qu’il s’agisse de terrains ou d’immeubles bâtis, de bénéficier à nouveau de la taxation sur la marge. Ainsi, la revente après division en plusieurs lots d’un terrain à bâtir acquis auprès d’un particulier par un marchand de biens ou un promoteur est soumise à la TVA sur la marge. En raison du maintien du critère de l’identité juridique, reste exclue de la TVA sur marge, l’opération de revente de terrains à bâtir extraits d’ensembles immobiliers comprenant des immeubles bâtis qui avaient été acquis sans droit à déduction. La réponse ministérielle précise, en effet, que dans le cas d’un lot revendu comme terrain à bâtir ayant été acquis comme terrain d’assiette d’un immeuble bâti et, comme tel, assimilé à ce dernier, l’identité entre le bien acquis et le bien revendu n’est pas vérifiée : la revente doit être soumise à la TVA sur le prix de vente total. Dans cette hypothèse, une division parcellaire préalable à la mutation demeure indispensable. Selon la doctrine administrative, l’acte doit refléter clairement la qualification respective de chaque élément permettant d’appliquer le régime fiscal approprié. Une division parcellaire préalable à l’acquisition du bien par le professionnel permettra de distinguer la part de l’emprise libre de constructions utilisables comme telles dont la cession sera taxée comme terrain à bâtir, et la part déjà bâtie utilisable comme telle dont la qualification fiscale dépendra des caractéristiques propres. Lorsque la division parcellaire est intervenue entre l’acquisition initiale et la cession et a entraîné un changement de qualification par rapport à l’acte d’acquisition, la taxation doit, selon l’administration fiscale, se faire sur le prix de vente total. Une ventilation du prix ne suffit pas. Notons qu’outre la solution de sécuriser la transaction en effectuant une division parcellaire préalablement à l’acquisition, les professionnels de l’immobilier peuvent choisir de s’en tenir aux dispositions de l’article 268 du code général des impôts et continuer à appliquer la TVA sur la marge dans les hypothèses évoquées. En s’engageant sur cette voie, ils devront assumer le risque d’un contentieux avec l’administration. Ils devraient, toutefois, avoir gain de cause à l’issue de la procédure contentieuse puisque la doctrine administrative ajoutant des conditions non prévues par la loi est remise en cause par le juge administratif. L’argument fondé sur l’illégalité de la condition d’identité juridique étant pertinent, les autres tribunaux devraient suivre la voie ouverte par les juges de Grenoble.
Apport à prix minoré : Libéralité taxable pour l’acquéreur
Lorsqu’une entreprise acquiert un bien pour une valeur délibérément minorée, son résultat peut être réhaussé à concurrence de l’avantage obtenu. Réuni en formation plénière, le Conseil d’Etat confirme cette jurisprudence dans le cas d’un apport en société (CE. 9 mai 2018). Les services des impôts peuvent être amenés, à l’issue d’un contrôle fiscal, à remettre en cause la valeur pour laquelle un bien est inscrit à l’actif du bilan, sans contester l’intérêt pour l’entreprise d’acquérir ce bien. Cette correction, à la hausse comme à la baisse, ne conduit pas, en principe, à la constatation d’un profit ou d’une perte. (CE 17 novembre 2000). Ce principe comporte une dérogation important dans le cas où le prix d’acquisition d’une immobilisation a été volontairement minoré par les parties pour dissimuler une libéralité faire par le vendeur à l’acquéreur. Dans ce cas, l’administration est autorisée à corriger la valeur d’origine de l’immobilisation comptabilisée par l’acquéreur pour y substituer sa valeur vénale et augmenter l’actif net de la fraction acquise à titre gratuit. (CE 5 janvier 2005). Pour transmettre son entreprise à ses enfants, le dirigeant et actionnaire majoritaire d’une société B a successivement procédé aux opérations suivantes : en février N, il a fait donation à son fils ainé d’actions représentant 14% du capital de la société B, pour une valeur unitaire par titre estimée à 687 euros. Le fils ainé à immédiatement fait apport de ces actions, pour la même valeur unitaire, à une SAS constituée trois mois avant la donation avec ses frères et soeurs et dont il était le président et principal associé. Ensuite, les 23 mai et 3 juin N, le dirigeant a cédé à la SAS 8% des titres de la société B, puis a fait apport en nue-propriété à cette SAS de 71% des titres de B, recevant en échange des actions nouvelles et des obligations convertibles en actions. Cette cession et cet apport ont été réalisés sur la base d’une valeur unitaire par titre de 687 euros. Le 20 juin N, le dirigeant a fait donation de ses obligations convertibles à ses enfants sur la base d’une valeur unitaire de 10 euros. En juillet N, il a cédé son poste de président de la société B à la SAS représentée par son fils ainé. Dans le cadre du contrôle fiscal de la SAS, l’administration a estimé que la valeur d’inscription à l’actif des actions de la société B correspondant à leur valeur d’acquisition ou d’apport a été minorée. Elle a rectifié le résultat de la SAS de l’exercice N du montant de la différence entre la valeur réelle et la valeur comptable des actions de B. Ces réhaussements ont été confirmés par le tribunal administratif de Paris (TA Paris, 14 décembre 2012) puis par la cour administrative d’appel de Paris (CAA Paris, 13 novembre 2014). Le Conseil d’Etat applique à l’opération d’apport pour une valeur minorée les principes énoncés dans sa jurisprudence précitée. Il juge que, si les opérations d’apport sont, en principe, sans influence sur la détermination du bénéfice imposable, tel n’est pas le cas lorsque la valeur d’apport des immobilisations comptabilisées à été volontairement minorée par les parties pour dissimuler une libéralité faite par l’apporteur à l’entreprise bénéficiaire. Dans une telle hypothèse, l’administration est fondée à corriger la valeur d’origine des immobilisations apportées pour y substituer leur valeur vénale, augmentant ainsi son actif net de l’entreprise dans la mesure de l’apport effectué à titre gratuit. Ainsi, lorsqu’une société bénéficie d’un apport pour une valeur que les parties ont délibérément minorée par rapport à la valeur vénale de l’objet de la transaction, sans que cet écart de prix ne comporte de contrepartie, l’avantage octroyé est regardé comme une libéralité consentie à cette société. Cette correction se traduit pas un supplément d’IS à la charge de la société cessionnaire. L’administration ne peut rectifier le résultat de la société cessionnaire que si elle établit l’existence d’une libéralité. Une telle preuve doit être regardée comme apportée lorsque l’administration apporte la preuve : – d’une part, d’un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien apporté ; – et, d’autre part, d’une intention, pour l’apporteur d’octroyer, et, pour la société bénéficiaire, de recevoir une libéralité du fait des conditions de l’apport. En l’espèce, la méthode retenue par l’administration aboutissait à une valeur unitaire de 1 026 euros par titre au lieu de 687 euros, soit une minoration d’environ 33%. Si elle a démontré l’insuffisance de prix, l’administration doit également établir l’intention libérale des acteurs de l’opération. Cette intention est présumée lorsque les parties sont en relation d’intérêts. Dans les circonstances de l’affaire, compte tenu des liens familiaux unissant les actionnaires, les juges ont estimé que la preuve de cette relation d’intérêt était établie. Le Conseil d’Etat avait également, en 2005, regardé les écarts de valeur comme des libéralités volontairement consenties en raison de la communauté d’intérêts unissant les actionnaires de deux sociétés appartenant au même groupe familial (CE, 5 janvier 2005). Dans cette même jurisprudence de 2005, le Conseil d’Etat a jugé que la substitution de la valeur vénale au prix d’acquisition entraîne, d’une part, une augmentation de l’actif net de l’acquéreur dans la mesure de l’acquisition faite à titre gratuit, et d’autre part, cette acquisition à titre gratuit correspond, si le vendeur est une société passible de l’IS, à un revenu distribué imposable entre les mains de l’acquéreur. Dans l’affaire commentée, le Conseil d’Etat ne s’est pas prononcé sur la question de savoir si le rehaussement notifié à la société était susceptible de constituer un revenu distribué aux actionnaires de la société bénéficiaire de l’apport. Enfin, en cas de surestimation du prix, la solution retenue par le juge de l’impôt est différente. Dans ce cas, l’administration n’est pas en droit de rehausser les bases de l’impôt du seul fait qu’un élément de l’actif immobilisé a été acquis pour un prix anormalement élevé. La surestimation du prix profite, ici, au vendeur, qui est bénéficiaire d’une libéralité imposable, ce qui interdit à l’administration de rectifier le résultat de l’acquéreur. Encore faut-il qu’une intention libérale soit établie. Lorsqu’elle constate la surévaluation d’un élément d’actif, l’administration est seulement fondée à remettre en cause la déductibilité des charges, des amortissements et des provisions comptabilisées à raison de cette valeur.
Impôt sur la fortune immobilière : Bois et forêts
Les bois et forêts et parts de groupements forestiers sont soumis à l’IFI (impôt sur la fortune immobilière) de leur valeur à la double condition que le redevable produise un certificat de gestion durable et qu’il prenne certains engagements pour lui et ses ayants-droits. Tirant les conséquences de la suppression de l’ISF et de la création de l’IFI, les obligations relatives aux engagements à souscrire sont précisées par décret et le contenu du plan simple de gestion est mis à jour par arrêté. (décret et arrêté du 29 mai 2018, JO du 30). Notons que les certificats fournis et les engagements pris pour bénéficier de l’exonération des propriétés en nature de bois et forêts et des parts de groupements forestiers au titre de l’ISF demeurent valables au titre de l’IFI pour le temps restant à courir.
Occupation sans titre de locaux : Pas de TVA sur l’indemnité
Le versement d’une somme par un débiteur à son créancer ne peut être regardé comme la contrepartie d’une prestation de service entrant dans le champ de la TVA qu’à condition qu’il existe un lien direct entre ce versement et une prestation individualisable (article 256, I du code général des impôts). En revanche, n’est pas soumis à cette taxe, le versement d’une indemnité accordée par décision juridictionnelle qui a pour seul objet de réparer le préjudice subi par le créancier du fait du débiteur. En l’espèce, à la suite de la résiliation du bail pour la location d’un bâtiment industriel, l’entreprise locataire s’était maintenue sans titre dans les locaux. Elle a été condamnée, par le juge judiciaire, à verser une indemnité d’occupation au propriétaire au titre de cette occupation illégale. En jugeant que cette indemnité constituait la rémunération d’une prestation de service à titre onéreux passible de la TVA, alors qu’elle visait seulement à compenser le préjudice causé au propriétaire des locaux par l’occupant sans titre, la cour administrative d’appel a donné aux faits de l’espèce une qualification juridique erronée. Peu importe que le juge judiciaire ait fixé le montant de cette indemnité par référence à celui du loyer prévu dans le bail. (CE. 30 mai 2018).
Achèvement des fondations hors délai : Réduction d’IR-DOM
Dans le cadre de la réduction d’impôt sur le revenu pour investissement outre-mer sous forme de souscription de parts de sociétés civiles immobilières, les souscripteurs doivent s’engager à conserver leurs titres pendant au moins 5 ans (6 ans pour le secteur du logement intermédiaire) à compter de la date d’achèvement des immeubles (article 199 undecies A, 2 c du code général des impôts). Quant à la société, elle doit s’engager à achever les fondations des immeubles dans les 2 ans qui suivent la clôture de chaque souscription annuelle. A défaut, l’avantage accordé au souscripteur est remis en cause. En l’espèce, des contribuables avaient demandé à bénéficier d’une réduction d’impôt au titre de leur souscription de parts d’une société civile immobilière. Cet avantage a été remis en cause pour défaut de réalisation des fondations dans le délai de 2 ans. Le contribuable se prévalait de la force majeure, le retard dans la réalisation des fondations provenant d’un litige avec l’architecte suivi d’une procédure judiciaire intentée contre le maître d’oeuvre et l’entreprise chargée des travaux. Le juge refuse d’assimiler ces perturbations à un cas de force majeure ayant mis les contribuables dans l’impossibilité de respecter le délai de 2 ans prévu par la loi. Peu importe que les logements aient finalement été achevés 4 ans après la souscription et mis en location à titre de résidence principale. (CAA Bordeaux 28 mai 2018).
Liquidation judiciaire : Trésor Public
La dette fiscale d’une société atteinte 163 000 €. Disposant contre la société d’un titre exécutoire, l’administration l’assigne en liquidation judiciaire. Les juges saisis constatent que le passif exigible de la société (163 000 €) dépasse l’actif disponible (qui est inexistant). En conséquence, ils prononcent la liquidation judiciaire. (article L.631-1 du code du commerce). L’entreprise forme alors un recours. Elle prétend que sa dette fiscale est litigieuse et qu’elle n’aurait donc pas dû être comptée dans le passif exigible. Ce recours est rejeté : le comptable public disposant d’un titre exécutoire, que la société n’a pas contesté en saisissant le juge de l’impôt, la créance fiscale n’est pas litigieuse et doit être prise en compte dans le passif exigible. (Cass. 11 avril 2018).