CLAUSE DE NON-CONCURRENCE : Dénonciation de la clause pour se libérer de l’indemnité

L’employeur peut se libérer du paiement de la contrepartie financière attachée à une clause de non-concurrence, à condition de renoncer à l’application de celle-ci en respectant les règles prévues par la convention collective ou le contrat de travail. La clause de non-concurrence inscrite dans le contrat de travail d’un salarié lui interdit de concurrencer son employeur quand il quitte l’entreprise. Elle est obligatoirement assortie d’une contrepartie financière (Cass. 10 juillet 2002). L’employeur peut se libérer du paiement de cette contrepartie s’il renonce à l’application de la clause. Toutefois, il ne peut dénoncer unilatéralement cette clause que si la convention collective ou le contrat de travail prévoit cette possibilité. Sinon, il ne peut y renoncer qu’avec l’accord du salarié (Cass. 29 mars 2017). Quand le contrat est silencieux sur une dénonciation unilatérale, l’employeur peut se libérer de la contrepartie si la convention dont relève l’entreprise envisage une telle dénonciation et que le contrat se réfère à cette convention. Il suffit d’avoir, dans le contrat, une clause générale ainsi rédigée : “Le présent contrat est régi par les dispositions de la convention (…) applicable à l’entreprise”. (Cass. 28 mars 2007). Notons que l’employeur, très prudent, choisira d’intégrer dans le contrat une clause particulière indiquant qu’une renonciation unilatérale est autorisée conformément aux dispositions de la convention dont il dépend. Si la convention prévoit un délai de renonciation, l’employeur doit, bien entendu, s’y plier. Cela étant, un délai plus court pourrait être inscrit dans le contrat de travail, mais pas un délai plus long qui serait moins favorable au salarié que le délai conventionnel. En présence d’une convention collective qui prévoit que la clause de non-concurrence peut être levée à la suite d’un accord entre l’employeur et le salarié, l’employeur ne peut pas y renoncer seul. Dans ce cas, il n’est pas possible non plus de prévoir une dénonciation unilatérale dans le contrat de travail car celui-ci serait alors moins favorable au salarié. (Cass. 26 mars 2003). Si la convention collective ne prévoit pas la possibilité de dénoncer unilatéralement une clause de non-concurrence, l’employeur peut se ménager cette alternative dans le contrat de travail. L’employeur peut renoncer unilatéralement à la clause à tout moment en cours de contrat si cela est expressément prévu. Sinon, la renonciation ne peut intervenir qu’à compter de la rupture du contrat (Cass. 11 mars 2015). L’employeur ne peut pas se réserver la faculté de renoncer à la clause de non-concurrence à tout moment après la rupture du contrat de travail car le salarié se trouverait alors dans l’incertitude sur sa liberté de travailler. (Cass. 13 juillet 2010). La clause qui envisage la renonciation pendant le contrat, ce qui est admis, mais aussi à tout moment après sa rupture est nulle “dans son ensemble”. (Cass. 2 décembre 2015). Si l’employeur souhaite disposer d’une marge de manoeuvre pour renoncer à la clause après la fin du contrat, il doit prévoir un délai de renonciation précis et “raisonnable”. Le délai de renonciation se calcule de date à date, sans déduire les samedis, dimanches et jours fériés (Cass. 29 juin 2005). En d’autres termes, si le délai de renonciation expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il n’est pas prolongé jusqu’au premier jour ouvrable suivant. Le contrat de travail (ou la convention collective) peut prévoir que la renonciation doit intervenir dans un certain délai suivant la rupture du contrat de travail. Le point de départ de ce délai est alors à apprécier selon le type de rupture du contrat de travail. Ainsi, doit être prise en compte : – en cas de licenciement, la date de sa notification ; – en cas de démission, la date de sa notification sauf si le contrat prévoit que la date à prendre en compte est celle de sa réception par l’employeur ; – en cas de rupture conventionnelle, la date de rupture prévue par la convention de rupture (y compris dans le cas où employeur et salarié ont renoncé ensemble à un précédent licenciement notifié en signant une rupture conventionnelle). Le respect du délai de renonciation s’apprécie à la date d’envoi de la lettre de renonciation et non à celle de sa réception par le salarié (Cass. 30 mars 2011). Le fait que l’accusé de réception comporte une autre signature que celle du salarié ou que le salarié n’ait pas reçu la lettre est sans incidence (Cass. 20 février 2013), à moins que le contrat de travail ou la convention collective impose la réception effective par le salarié. Faute de disposition contractuelle ou conventionnelle fixant un délai de renonciation, l’employeur n’est dispensé de verser la contrepartie financière que s’il libère le salarié de son obligation de non-concurrence au moment où il rompt le contrat (Cass. 13 juillet 2010). L’employeur qui dispense le salarié d’exécuter le préavis doit, s’il entend renoncer à l’application de la clause de non-concurrence, le faire au plus tard à la date de départ effectif de l’intéressé de l’entreprise et ce, peu important les clauses contraires du contrat de travail ou de la convention (Cass. 21 janvier 2015). Notons que si l’employeur accepte que le préavis soit raccourci, il conviendrait de raisonner comme en matière de dispense totale de préavis, dans l’attente d’une position des juges sur cette question. Si le contrat de travail prévoit que l’employeur “se réserve le droit de libérer le salarié de l’interdiction de concurrence ou d’en réduire la durée en informant par écrit le salarié dans le délai maximal de 30 jours qui suivra la fin effective du travail (fin du préavis effectué ou début du préavis non effectué)” et que le salarié écourte son préavis sans l’accord de l’employeur (ou ne l’effectue pas), c’est la date de fin du préavis prévue au contrat qui est prise en compte. Peu importe alors le départ effectif du salarié de l’entreprise (Cass. 21 mars 2018). La renonciation de l’employeur doit être expresse et sans équivoque (Cass. 12 juillet 1989). Elle ne se déduit donc pas du seul comportement de l’employeur ou du salarié (Cass. 10 mai 2006). Dans le même sens, la mention “libre de tout engagement” figurant sur le certificat de travail ne signifie pas que l’employeur a renoncé (Cass. 26 février 1970). En pratique, une LRAR est vivement recommandée, même si elle n’est pas imposée par le contrat de travail. Quand l’employeur connaît la nouvelle adresse du salarié, c’est à celle-ci qu’il doit lui notifier sa renonciation, même si le salarié ne l’en a pas avisé (Cass. 25 mars 2009). En outre, l’employeur peut renoncer dans la lettre de licenciement envoyée en recommandé si le contrat ou la convention collective ne lui impose pas de le faire dans un courrier distinct (Cass. 24 avril 2013). Toutefois, quand le licenciement est jugé nul, l’employeur ne peut pas faire état de la lettre de licenciement informant le salarié qu’il était libéré de la clause de non-concurrence. La contrepartie financière reste due (Cass. 3 février 2010). Enfin, l’employeur doit notifier individuellement la renonciation aux salariés. L’engagement pris dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi de renoncer aux clause de non-concurrence insérées dans les contrats de travail des salariés licenciés, n’est pas une renonciation valable (Cass. 21 octobre 2009).

DIRECTION : Délégation de pouvoirs

L’employeur peut déléguer une partie de son pouvoir de direction à un salarié qui a la compétence nécessaire. Il est obligé de le faire lorsque la taille de l’entreprise ou sa structure l’empêche de veiller au respect de l’ensemble des règles d’hygiène et de sécurité. Certaines conditions sont à respecter pour que la délégation soit valable. La personne qui reçoit une délégation de pouvoir est appelée le “délégataire”. Il doit s’agir d’un salarié de l’entreprise ce qui exclut, par exemple, de donner le pouvoir de licencier au cabinet d’expertise comptable de l’entreprise (Cass. 26 avril 2017). Rappelons que dans un groupe de sociétés, le directeur du personnel ou des ressources humaines de la société mère peut être délégataire et gérer le licenciement d’un salarié employé par une filiale (Cass. 23 septembre 2009). Par le biais de la délégation de pouvoirs, l’employeur transfère au salarié la responsabilité pénale qui pèse en principe sur lui sauf s’il a personnellement participé à l’infraction ou s’il a commis une faute distincte du délégataire. C’est pourquoi, le salarié désigné doit avoir la compétence, l’autorité et les moyens nécessaires (Cass. 17 juin 1997). Il s’agit donc souvent d’un cadre. L’employeur doit choisir un salarié dont les aptitudes professionnelles et les connaissances techniques correspondent aux pouvoirs qui lui sont délégués et aux prescriptions qu’il est chargé de faire appliquer. La compétence tient aux qualités personnelles du salarié, à sa formation et à son expérience. Le délégataire doit avoir le pouvoir de donner des ordres aux autres salariés et de les faire exécuter. Cette faculté de diriger suppose qu’il soit suffisamment autonome vis-à-vis des autres salariés. Une délégation de pouvoirs donnée à un chef de chantier de 21 ans, ayant moins d’un an d’ancienneté, et qui n’a donc pas une compétence et une autorité suffisantes, est ainsi sans effet (Cass. 8 décembre 2009). En outre, l’employeur ne doit ni interférer dans le déroulement des tâches en lien avec la délégation de pouvoirs (Cass. 21 novembre 2000), ni agir régulièrement à la place du délégataire (Cass. 7 juin 2011) pour que la délégation soit valable en cas d’incident. L’employeur doit mettre à la disposition du délégataire les moyens matériels et financiers nécessaires pour assurer le respect de la réglementation que ce dernier est chargé d’appliquer. Par exemple, le délégataire doit pouvoir commander le matériel prévue par les textes et nécessaire à la protection des salariés. Sinon, il ne sera pas jugé responsable en cas d’infraction (Cass. 25 mai 2004). La délégation de pouvoirs en matière de droit du travail peut concerner les domaines tels que l’embauche, le droit disciplinaire, la représentation du personnel, l’hygiène et la sécurité. Les juges refusent le transfert de responsabilité dans certains domaines touchant à la représentation du personnel. Ainsi, malgré une délégation de pouvoirs pour présider les réunions de représentants du personnel, l’employeur engage sa responsabilité pour les règles qui relèvent de son pouvoir propre de direction (ex: organisation des élections, transmission de certaines informations aux élus…). En cas de manquement, c’est lui qui s’expose au délit d’entrave (Cass. 6 novembre 2007). L’employeur ne peut pas, non plus, déléguer l’ensemble de ses pouvoirs car cela aboutirait à l’exonérer de toute responsabilité et à remettre en cause sa qualité même d’employeur. La délégation doit donc être limitée dans son contenu. Les délégation de pouvoirs multiples sont impossibles pour l’exécution d’un même travail car ce cumul restreint l’autorité et entrave les initiatives de chacun des délégataires. Par exemple, l’employeur ne peut pas déléguer à deux chefs de chantier le pouvoir d’assurer la sécurité sur un même chantier (Cass. 12 décembre 2006). La délégation doit être précise, complète et sans ambiguïté. Elle doit clairement viser les domaines dans lesquels la responsabilité de l’employeur est transférée à un de ses salariés. L’employeur ne peut donc pas s’appuyer sur un document sans intitulé et rédigé en des termes généraux (Cass. 2 février 1993). Une délégation de pouvoirs consentie à un directeur de travaux pour la signalisation du chantier et non pas pour assurer la sécurité n’exonère pas l’employeur de sa responsabilité pénale en cas d’accident du travail (Cass. 8 septembre 2015). La délégation doit également avoir une certaine permanence et n’est pas, en principe, donnée pour une journée ou quelques semaines, sauf circonstances particulières (ex: absence du délégataire habituel). Une salariés nommée chef d’établissement pour quelques semaines a ainsi été relaxée cas, en si peu de temps, les juges ont considéré qu’il ne lui était pas permis d’améliorer la sécurité en modifiant les installations existantes (Cass. 11 décembre 1996). La délégation peut, par exemple, être prévue dans une clause du contrat de travail initial ou dans un avenant ultérieur. En effet, l’écrit permet de prouver la délégation donnée et de préciser son étendue. D’ailleurs, l’écrit posant les limites de la délégation de pouvoirs, l’employeur doit être attentif à sa rédaction et se montrer exhaustif dans les pouvoirs que le délégataire pourrait être amené à exercer. La délégation de pouvoir peut aussi se déduire des seules fonctions du salarié (Cass. 23 septembre 2009). Il a même été admis qu’un intérimaire, qui a pour mission d’assister et de conseiller le DRH ainsi que de le remplacer éventuellement, peut notifier des licenciements sans délégation écrite (Cass. 2 mars 2011). Si l’employeur doit informer le délégataire des obligations qui lui sont transférées, il n’est pas exigé que le salarié ait expressément accepté la délégation. Cela serait tout de même préférable pour éviter tout malentendu ultérieur (Cass. 4 avril 2007). La validité de la délégation de pouvoirs peut d’ailleurs, implicitement, découler de la nature de l’emploi du délégataire. Enfin, pour asseoir la légitimité des pouvoirs du délégataire, il est préférable d’informer les autres salariés de la délégation (ex: mail, note de service…). Cela peut aussi simplement résulter de la diffusion d’un organigramme de la société suffisamment explicite sur les pouvoirs dévolus au salarié délégataire. Rappelons que le délégataire n’a, en principe, besoin d’aucune autorisation spécifique pour subdéléguer ses pouvoirs ou une partie à un autre salarié compétent.

MARCHE DU TRAVAIL : Réforme

Après les ordonnances Macron, la réforme du marché du travail se poursuit avec le projet de loi “pour la liberté de choisir son avenir professionnel” qui doit s’achever d’ici la fin de l’été. A compter du 1er janvier 2019, le compte personnel de formation (CPF) serait crédit en euros et non plus en heures. Selon le gouvernement, le CPF d’un salarié à temps plein serait crédité de 500€ par an dans la limite d’un plafond de 5 000€. Les salariés non qualifiés (niveau du diplôme inférieur au CAP-BEP) bénéficieraient de 800€ par an avec un plafond de 8 000€. Au 1er janvier 2019, le congé individuel de formation (CIF) serait supprimé et remplacé par une nouvelle modalité de mobilisation du CPF en vue de réaliser un projet de transition professionnelle. Ses modalités de mise en oeuvre seraient fixées par décret (ancienneté, demande, accompagnement, pris en charge financière). Le plan de formation serait rebaptisé “plan de développement des compétences” à compter du 1er janvier 2019 et simplifié, avec la suppression de la distinction entre deux catégories d’action de formation (actions d’adaptation au poste de travail ou liées à l’évolution ou au maintien dans l’emploi, actions de développement des compétences). A partir du 1er janvier 2019, les entreprises verseraient une seule contribution pour financer la formation professionnelle et l’apprentissage. Participation à la formation et taxe d’apprentissage seraient ainsi fusionnées. Trois niveaux de cotisation seraient fixés en fonction de l’effectif, avec des taux particuliers pour certains employeurs. Un dispositif transitoire serait prévu jusqu’en 2013 pour faciliter le passage à la nouvelle contribution des entreprises exonérées de taxe d’apprentissage. Par ailleurs, à partir du 1er janvier 2021 au plus tard, la collecte de la contribution unique serait assurée par les URSSAF et les CMSA. L’entrée en apprentissage serait possible jusqu’à 29 ans révolus, contre 25 actuellement. Le contrat ne ferait plus l’objet d’un enregistrement, mais d’un dépôt. La durée du contrat pourrait être modulée pour tenir compte du niveau initial de compétences de l’apprenti, afin de prévoir une durée inférieure à celle du cycle de formation. Il ne serait plus obligatoire de passer devant les prud’hommes pour rompre le contrat une fois passée la “période d’essai” (45 premiers jours de formation pratique). Le contrat pourrait être rompu pour faute grave ou inaptitude physique. La rupture prendrait la forme d’un licenciement (entretien préalable…), sachant qu’en cas d’inaptitude, l’employeur n’aurait pas d’obligation de reclassement. Le contrat pourrait également être rompu à la demande de l’apprenti, après respect d’une procédure de médiation. Une aide financière unique serait instituée et ciblée sur les entreprises de moins de 250 salariés, pour des embauches sur des diplômes équivalant au plus au baccalauréat. Le montant de cette aide serait fixé par décret (le gouvernement avait annoncé une aide supérieure à 6 000€ pour 2 ans). Parallèlement, la prime de l’apprentissage, l’aide au recrutement et le crédit d’impôt seraient supprimés. Il devrait en être de même pour l’aide “TPE jeunes apprentis”. Les mesures relatives au nouveau statut de l’apprenti et à l’aide financières entreraient en vigueur le 1er janvier 2019. Celle relative à la suppression de la procédure d’enregistrement au profit d’un dépôt s’appliquerait au 1er janvier 2020. Le projet de loi prévoit, également, d’instituer à compter du 1er janvier 2019, le nouveau droit à indemnisation chômage pour les salariés démissionnaires ayant un projet de reconversion professionnelle nécessitant une formation ou un projet de création ou de reprise d’une entreprise. Une condition d’activité antérieure spécifique serait exigée, qui pourrait être de 5 ans d’affiliation continus. Enfin, le projet de loi fixe le principe du “bonus-malus” envisagé en cas d’échec des négociations de branche à venir sur les contrats courts. Le taux de contribution des entreprises à l’assurance chômage pourrait être minoré ou majoré en fonction du nombre de fins de contrat de travail (hormis les démissions). Si les négociations de branche s’avèrent infructueuses d’ici le 1er janvier 2019, le gouvernement pourrait déclencher le bonus-malus par décret entre le 1er janvier 2019 et le 30 septembre 2020. Rappelons également que le projet de loi prévoit de relever la durée maximale hebdomadaire de travail des jeunes de moins de 18 ans, y compris les apprentis à 40h contre 35h actuellement. La limite de 8h par jour ne serait pas modifiée, mais pour certaines activités, dans des conditions déterminées par décret, il pourrait y être dérogé à hauteur de 2h par jour, lorsque l’organisation collective du travail le justifie, après simple information de l’inspecteur du travail et du médecin du travail.

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