Secret des affaires : Protection par la loi
De nouveaux articles sont intégrés au code de commerce pour protéger le secret des affaires. Certains ont été déférés au Conseil Constitutionnel mais tous ont été entérinés. Ces articles issus de la loi nouvelle seront complétés par un décret d’application. Pour autant, leur très grande majorité de nécessite pas de précisions et est dont applicable depuis le 1er août 2018 (loi du 30 juillet 2018). Est protégée au titre du secret des affaires toute information aux critères suivants (article L.151-1 du code de commerce) : – elle n’est pas, en elle-même ou dans la configuration et l’assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité ; – elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ; – elle fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protections raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret. Un secret des affaires doit être détenu légitimement. La loi nouvelle précise que le détenteur légitime d’un secret des affaires est celui qui en a le contrôle de façon licite (article L.151-2 du code de commerce). Par ailleurs, constituent des modes d’obtention licite d’un secret des affaires (article L.151-3 du code de commerce) : – une découverte ou une création indépendante ; – l’observation, l’étude, le démontage ou le test d’un produit ou d’un objet qui a été mis à la disposition du public ou qui est de façon licite en possession de la personne qui obtient l’information, sauf stipulation contractuelle interdisant ou limitant l’obtention du secret. L’obtention du secret des affaires est illicite lorsqu’elle est réalisée sans le consentement de son détenteur légitime et qu’elle résulte (article L.151-4 du code de commerce) : – d’un accès non autorisé à tout document, objet, matériau, substance ou fichier numérique qui contient le secret ou dont il peut être déduit, ou bien d’une appropriation ou d’une copie non autorisée de ces éléments ; – de tout autre comportement considéré, compte tenu des circonstances, comme déloyal et contraire aux usages en matière commerciale. L’utilisation ou la divulgation d’un secret des affaires est illicite lorsqu’elle est réalisée sans le consentement de son détenteur légitime. La production, l’offre ou la mise sur le marché, de même que l’importation, l’exportation ou le stockage à ces fins de tout produit résultant de manière significative d’une atteinte au secret des affaires sont également considérés comme une utilisation illicite lorsque la personne qui exerce ces activités savait, ou aurait dû savoir au regard des circonstances, que ce secret était utilisé de façon illicite au sens du premier alinéa de l’article L.151-5 du code de commerce. L’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’un secret des affaires est aussi considérée comme illicite lorsque, au moment de l’obtention, de l’utilisation ou de la divulgation du secret, une personne savait, ou aurait dû savoir au regard des circonstances, que ce secret avait été obtenu, directement ou indirectement, d’une autre personne qui l’utilisait ou le divulguait de façon illicite (article L.151-6 du code de commerce). Le secret des affaires n’est pas opposable lorsque l’obtention, l’utilisation ou la divulgation du secret est requise ou autorisée par le droit de l’Union européenne, les traités ou accords internationaux en vigueur ou le droit nationale, notamment dans l’exercice des pouvoirs d’enquête, de contrôle, d’autorisation ou de sanction des autorités juridictionnelles ou administratives (article L.151-7 du code de commerce). A l’occasion d’une instance relative à une atteinte au secret des affaires, le secret n’est pas opposable lorsque son obtention, son utilisation ou sa divulgation est intervenue (article L.151-8 du code de commerce) : – pour exercer le droit à la liberté d’expression et de communication, y compris le respect de la liberté de la presse, et à la liberté d’information telle que proclamée dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ; – pour révéler, dans le but de protéger l’intérêt général et de bonne foi, une activité illégale, une faute ou un comportement répréhensible, y compris lors de l’exercice du droit d’alerte (prévu par la loi du 9 décembre 2016) ; – pour la protection d’un intérêt légitime reconnu par le droit de l’Union européenne ou le droit national. A l’occasion d’une instance relative à une atteinte au secret des affaires, le secret n’est pas, non plus, opposable lorsque : – l’obtention du secret des affaires est intervenue dans le cadre de l’exercice du droit à l’information et à la consultation des salariés ou de leurs représentants ; – la divulgation du secret des affaires par des salariés à leurs représentants est intervenue dans le cadre de l’exercice légitime par ces derniers de leurs fonctions, pour autant que cette divulgation ait été nécessaire à cet exercice. L’information ainsi obtenue ou divulguée demeure protégée au titre du secret des affaires à l’égard des personnes autres que les salariés ou leurs représentants qui en ont eu connaissance (article L.151-9 du code de commerce). Toute atteinte au secret des affaires engage la responsabilité civile de son auteur (article L.152-1 du code de commerce). Les actions relatives à une atteinte au secret des affaires sont prescrites par 5 ans à compter des faits qui en sont la cause, ce qui correspond au délai de prescription de droit commun. Dans le cadre d’une action relative à la prévention ou la cessation d’une atteinte à un secret des affaires, la juridiction peut prescrire, y compris sous astreinte, toute mesure proportionnée de nature à empêcher ou à faire cesser une telle atteinte. Elle peut notamment : – interdire la réalisation ou la poursuite des actes d’utilisation ou de divulgation d’un secret des affaires ; – interdire les actes de production, d’offre, de mise sur le marché ou d’utilisation des produits résultant de manière significative de l’atteinte au secret des affaires ou l’importation, l’exportation ou le stockage de tels produits à ces fins ; – ordonner la destruction totale ou partielle de tout document, objet, matériau, substance ou fichier numérique contenant le secret des affaires concerné ou dont il peut être déduit ou, selon le cas, ordonner leur remise totale ou partielle au demandeur. Ces mesures sont ordonnées aux frais de l’auteur de l’atteinte au secret des affaires. L’auteur de l’atteinte peut demander qu’il y soit mis fin lorsque les informations concernées ne peuvent plus être qualifiées de secret des affaires pour des raisons qui ne dépendent pas, directement ou indirectement, de lui. Il peut également demander de verser une indemnité à la partie lésée et qu’en contrepartie, aucune mesure d’interdiction ou de destruction ne soit prise par les juges. La victime d’une atteinte au secret des affaires peut demander la condamnation de l’auteur de cette atteinte à lui verser des dommages et intérêts. Enfin, lorsqu’à l’occasion d’un procès commercial ou civil, il est fait état ou est demandé la communication d’un document dont il est allégué par une partie (ou un tiers) qu’elle est de nature à porter atteinte à un secret des affaires, le juge peut : – prendre connaissance seul de ce document et, si nécessaire, ordonner une expertise pour décider s’il y a lieu d’appliquer des mesures de protection ; – limiter la communication de ce document à certains de ses éléments ; – adapter la motivation et la publication de sa décision aux nécessités de la protection du secret des affaires. Toute personne ayant accès à un document couvert par le secret des affaires et tenue à une obligation de confidentialité lui interdisant, en dehors du procès, toute utilisation ou divulgation des informations qu’elle contient. Dans le cas d’une société, cette obligation s’applique à ses représentants légaux ou statutaires et aux personnes qui la représentent devant les juges. L’obligation de confidentialité perdure à l’issue de la procédure. Toutefois, elle prend fin lorsque : – une juridiction décide, de façon définitive, qu’il n’existe pas de secret des affaires ; – les informations en cause ont, entre temps, cessé de constituer un secret des affaires ; – les informations en cause sont devenues aisément accessibles.
Factures électroniques sur support papier : Conservation
L’administration explicite sa doctrine applicable depuis le 1er juillet 2018 concernant les conditions de conservation des factures de ventes créées sous forme informatique et transmises sur support papier (BOFiP du 20 juillet 2018). Les factures sous forme papier dont l’authenticité sont assurées par des contrôles permettant d’établir une piste d’audit fiable, ainsi que les éléments constitutifs de ces contrôles sont conservés dans leur forme et contenu originel par l’entreprise chargée de s’assurer qu’une facture est émise (article 289, I du code général des impôts) (factures de ventes, fournisseurs) et par l’entreprise destinataire de ces factures (factures d’achats, clients), dans les conditions et dans les délais précisés ci-dessous. Ainsi, les factures papier peuvent être conservées sur support informatique ou sur support papier pendant 6 ans à compter de la date à laquelle ces pièces ont été établies (article L.102. B, I du LPF). Les entreprises qui reçoivent ou émettent des factures papier peuvent ainsi les numériser, sous conditions, à tout moment et les conserver de manière dématérialisée durant six ans. Les modalités de numérisation des factures papier ont été fixées par un arrêté du ministre chargé du budget. Ces modalités ont été précisées par la doctrine administrative. Ainsi, pour la conservation des factures de vente créées sous forme informatique et transmises sur support papier, les entreprises ont deux possibilités : – soit elles conservent un double papier de la facture transmise, ce qui suppose l’impression de deux documents : l’original de la facture destiné au client et son double papier qui doit être archivé par le fournisseur ; – soit elles conservent les factures de vente créées sous forme informatique et transmises sur support papier dans les conditions citées ci-après. Afin d’assurer la conservation des factures de vente conçues électroniquement pour être adressées sur support papier, les assujettis peuvent : – soit imprimer les exemplaires papier des factures de vente émises sous forme papier, numériser ces exemplaires et les sécuriser conformément aux procédures prévues par la réglementation (article A. 102 B-2 du LPF); – soit sécuriser les fichiers de factures conservés sous format PDF ou PDF A3 conformément aux conditions fixées par la réglementation en garantissant la reproduction à l’identique et imprimer ces fichiers pour adresser l’original papier de la facture de vente. Dans tous les cas, la numérisation de ces factures doit être réalisée dans des conditions garantissant leur reproduction à l’identique.
Contrat de travail : CDI Intérimaire
Parmi les figures nouvelles apparues ces dernières années, il est à noter celle du CDI intérimaire. L’accord de branche portant sur la sécurisation des parcours professionnels des salariés intérimaires du 10 juillet 2013 a prévu la possibilité pour une entreprise de travail temporaire de conclure des CDI intérimaires comprenant des périodes d’exécution des missions et des périodes d’intermission. Etendu par arrêté du 22 février 2014, l’accord est entré en vigueur le 6 mars 2014. Dans ce sillage, la loi du 17 août 2015 a offert une assise légale au CDI intérimaire, à titre expérimental, pour les contrats conclus jusqu’au 31 décembre 2018. Ainsi, le dispositif légal n’est encore qu’expérimental contrairement au dispositif conventionnel. Or, les parties à l’accord de branche avaient-elles la compétence pour prévoir la conclusion d’un CDI intérimaire ? Dans l’arrêt rendu par la Cour de Cassation le 12 juillet 2018, la chambre sociale répond par la négative. En l’espèce, le Conseil d’Etat, saisi d’un recours en excès de pouvoir à l’encontre de l’arrêté d’extension de l’accord précité a sursis à statuer (CE. 27 juillet 2015) jusqu’à ce que le juge judiciaire se soit prononcé sur la compétences des parties à l’accord. Le jugement rendu en dernier ressort admet la compétence de ces dernières. La Cour de Cassation casse le jugement sans renvoi au visa de l’article 34 de la Constitution. Elle rappelle une règle énoncée par le Conseil Constitutionnel depuis 1989 : “Il est loisible au législateur, après avoir défini les droits et obligations touchant aux relations et aux conditions de travail, de laisser aux employeurs et aux salariés, ou à leurs organisations représentatives, le soin de préciser, notamment par la voie de la négociation collective, les modalités concrètes d’application des normes qu’il édicte”. Si le législateur peut renvoyer les modalités concrètes d’application de la loi aux organisations représentatives, il ne peut pas leur déléguer sa compétence propre. Après avoir écarté l’argument des juges du fond tenant au contenu de la loi du 17 août 2015 en indiquant que la loi ne dispose que pour l’avenir, la Haute juridiction énonce que “l’accord du 10 juillet 2013 crée une catégorie nouvelle de contrat de travail, dérogeant aux règles d’ordre public absolu qui régissent, d’une part, le contrat de travail à durée indéterminée, d’autre part, le contrat de mission, et fixe, en conséquence, des règles qui relèvent de la loi”. Cette solution mérite attention. D’une part, la Cour vient ici souligner que les parties à un accord collectif, même dans le contexte de la négociation de branche, ne doivent pas outrepasser une limite : celle de la compétence du législateur. Notons qu’en droit du travail, le résultat de la négociation interprofessionnelle, depuis longtemps, et celui de la négociation de branche, plus rarement, nourrissent le débat législatif et précèdent l’adoption de lois D’autre part, le sort du CDI intérimaire dépend désormais de la pérennisation du dispositif légal expérimental. Cette dernière se profile avec l’insertion de l’article 68 dans le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
Invalidité : Quotient familial
La circonstance que le contribuable partage l’immeuble avec la personne invalide n’empêche pas que cette dernière puisse être regardée, compte tenu notamment de l’agencement de l’immeuble, comme habitant sous le toit de celui-ci. C’est ce qu’a jugé le Conseil d’Etat dans un arrêt rendu le 5 juillet 2018. Pour la détermination du quotient familial, tout contribuable peut considérer comme étant à sa charge, à la condition qu’elles vivent sous son toit, les personnes titulaires de la carte d’invalidité ou de la carte de mobilité-inclusion avec mention invalidité (article 196 A bis du code général des impôts). L’administration fiscale a remis en cause le nombre de parts du quotient familial dont un neveu avait bénéficié du fait du rattachement, à son foyer fiscal, de sa tante, titulaire d’une carte d’invalidité lui reconnaissant un taux d’incapacité à 100%. En l’espèce, la tante et son neveu se partageaient différents lots d’un même immeuble appartenant à chacun d’eux. Les pièces qu’ils occupaient communiquaient entre elles et un ascenseur avait été installé pour que la tante puisse accéder à une cuisine, installée au sous-sol, qui était incluse dans les lots appartenant à son neveu. Il résulte des dispositions de l’article 196 A bis du code général des impôts, éclairées par les travaux parlementaires ayant précédé leur adoption, que le bénéfice de la majoration du quotient familial doit uniquement s’apprécier sur la base d’éléments matériels tenant à l’accueil à domicile d’une personne invalide ou aux conditions dans lesquelles, dans l’hypothèse d’une occupation partagée d’un immeuble avec le contribuable, celle-ci peut être regardée, compte tenu notamment de l’agencement de cet immeuble, comme habitant sous le toit de celui-ci. L’appréciation de la condition de vie sous le même toit, au sens de l’article 196 A bis du code général des impôts, relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, sous réserve de dénaturation. La cour administrative d’appel de Nantes (CAA Nantes, 19 mai 2016) ne pouvait donc pas conclure des faits relatés ci-dessus que la personne invalide occupait un appartement où elle pouvait vivre de manière autonome pour juger que la condition de vie sous le même toit n’était pas remplie. Ainsi, lorsqu’un contribuable déclare une personne invalide à sa charge en application de ces dispositions, il appartient à l’administration, si elle entend remettre en cause cette déclaration, de produire tous les éléments pertinents pour justifier une telle remise en cause. Il incombe alors au contribuable d’apporter en réponse tous éléments de nature à justifier ses prétentions. Le juge doit apprécier la valeur des éléments qui lui sont ainsi fournis par l’administration et par le contribuable.
Citoyens : Société de confiance
La loi du 10 août 2018 publiée au Journal Officiel le 11 août comprend quatre titres et 74 articles. Elle approuve une stratégie nationale d’orientation de l’action publique jusqu’en 2022. Elle reconnaît aux administrés un certain nombre de nouveaux droits (droit à l’erreur, droit au contrôle opposable, droit à la publication des instructions et circulaires, droit à se prévaloir de l’interprétation contenue dans des documents administratifs), la plupart de ces droits trouvant à s’appliquer de manière très détaillée dans le domaine fiscal et le domaine douanier. La procédure de rescrit est applicable à des domaines divers (archéologie, construction…). Les administrations ont la possibilité de désigner un référent unique pour suivre certaines procédures. Le recours à la transaction est étendu, le champ de la médiation également. Une demande en appréciation de la légalité externe d’une décision est désormais possible devant le juge administratif. La loi prévoit la remise de nombreux rapports du Gouvernement au Parlement, alors que, jusqu’à présent, cette obligation n’était guère respectée. La loi prévoit également, de manière fréquente, le recours à des ordonnances pour simplifier certaines procédures. Notons l’abrogation de l’article 70 de la loi du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit (“Lorsque l’autorité administrative, avant de prendre une décision, procède à la consultation d’un organisme, seules les irrégularités susceptibles d’avoir exercé une influence sur le sens de la décision prise au vu de l’avis rendu peuvent, le cas échéant, être invoquées à l’encontre de la décision”), le principe général du droit dégagé par le Conseil d’Etat ayant, selon les dires des rapporteurs devant les assemblées, privé d’utilité la disposition législative.