CONTRAT DE TRAVAIL : Délai du préavis de démission et délai de renonciation à la clause de non-concurrence
Depuis que l’exigence d’une contrepartie financière au bénéfice du salarié est une condition de validité de la clause de non-concurrence, la question de l’exercice du droit de renonciation par l’employeur se pose avec insistance. La Cour de Cassation l’a fortement encadré en précisant que l’employeur ne peut renoncer unilatéralement, sauf si le contrat ou la convention collective l’y autorise et en exigeant que sa renonciation résulte d’une volonté claire et non équivoque exprimée en temps utile afin, notamment, de ne pas “laisser le salarié dans l’incertitude quand à l’étendue de sa liberté de travailler. Une dénonciation tardive est inopérante et ouvre droit à l’indemnité compensatrice “pour la période pendant laquelle le salarié a respecté ladite clause” (Cass. 13 septembre 2005). C’est sur ce terrain que s’est située une salariée dans l’affaire soumise à la Cour de Cassation le 21 mars 2018 : son contrat comportait une clause de non-concurrence stipulant que “la société se réserve le droit de libérer le salarié de l’interdiction de concurrence ou d’en réduire la durée en l’informant par écrit dans un délai maximal de 30 jours qui suivra la fin effective du travail (fin du préavis effectué ou début du préavis non effectué)”. Démissionnaire le 13 janvier 2011 et soumise à un préavis de 3 mois, elle a cessé de travailler le 28 février 2011. Par lettre du 6 avril 2011, l’employeur lui a notifié qu’il renonçait à l’application de la clause de non-concurrence. Considérant qu’il n’avait pas respecté le délai contractuel de 30 jours qui courait soit de la fin du préavis effectué, le 28 février 2011, soit du début du préavis non effectué, le 1er mars 2011, la salariée a sollicité le versement de l’indemnité de non-concurrence. Sa demande est rejetée par les magistrats d’appel dont la décision est confirmée par la Cour de Cassation qui, après avoir relevé que la salariée avait démissionné le 13 janvier 2011 et que l’employeur ne l’avait pas dispensée de l’exécution de son préavis de 3 mois, estime que ‘“la notification de la levée de la clause de non-concurrence faite le 6 avril 2011, en cours de préavis, était valable”. Il en résulte que deux situations peuvent se présenter : si l’employeur dispense le salarié démissionnaire d’exécuter son préavis, la levée de la clause de non-concurrence doit intervenir, au plus tard, à la date de son départ effectif de l’entreprise, “nonobstant stipulations ou dispositions contraires” (Cass. 13 mars 2013). En revanche, si l’inexécution du préavis de démission est le fait du salarié, la notification de la levée de la clause doit intervenir avant l’expiration normale du préavis marquant la fin de la relation du travail. La rédaction de la disposition contractuelle aurait pu poser problème puisque l’employeur se voyait reconnaître le droit de renoncer dans les 30 jours suivant “la fin d’un préavis effectué ou le début du préavis non effectué”, c’est-à-dire à un moment où la clause de non-concurrence est en cours d’exécution. Or, il doit y avoir concordance entre les différentes dates qui constituent le point de départ d’obligations réciproques : la date à partir de laquelle le salarié est tenu de respecter l’obligation de non-concurrence, la date d’exigibilité de la contrepartie financière, celle qui détermine la période de référence pour le calcul de cette indemnité et la date d’exercice de la faculté de renonciation (Cass. 21 janvier 2015). Enoncée dans une situation de dispense d’exécution de préavis, la solution devrait être étendue à un contexte de préavis travaillé. En l’espèce, la Cour de Cassation souligne que la renonciation de l’employeur était intervenue “en cours de préavis”. Le fait que la salariée se soit autorisée à cesser son activité au sein de l’entreprise de manière unilatérale n’affecte pas la date de fin des relations contractuelles, “date de remise des documents de fin de contrat et des bulletins de paie des mois de mars et avril 2011 faisant apparaître qu’elle se trouvait en absence non autorisée mais faisait toujours partie de l’effectif de la société”. Dans ce domaine, il convient d’agir avec prudence. Pour être pleinement efficace, une dénonciation devrait intervenir, au plus tard, à la date à laquelle le salarié est libéré de ses obligations vis-à-vis de l’entreprise, c’est-à-dire celle de la cessation définitive des relations de travail ou, en cas de dispense de préavis, celle de son départ effectif de l’entreprise.
ASSURANCES : Dématérialisation des relations contractuelles
Un arrêté du 27 mars 2018 organise la dématérialisation des relations contractuelles dans le secteur de l’assurance. Sont concernés : la forme et la transmission des polices dans le cadre des conclusions et de la preuve du contrat d’assurance ; le contrat d’assurance de dommages non maritimes ; les informations données au souscripteur et au bénéficiaire dans le cadre des assurances sur la vie et des opérations de capitalisation ; les contrats de retraite complémentaire associatifs ; le rachat par les entreprises d’assurance sur la vie des rentes inférieures à un certain montant minimal ; la procédure d’indemnisation dans le cadre de l’assurance des véhicules terrestres à moteur et de leurs remorques et semi-remorques ; la clause-type applicable aux contrats d’assurance de responsabilité décennale. Un second arrêté du 29 mars 2018 organise la dématérialisation des relations contractuelles au sein des institutions de prévoyance. Ces deux arrêtés sont pris en application de l’ordonnance du 17 octobre 2017 relative à la dématérialisation des relations contractuelles dans le secteur financier. Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er avril 2018, au même titre que l’ordonnance qu’elles appliquent. successions : Partage La superficie à prendre en considération en vue de l’attribution préférentielle de droit est celle des parcelles indivises, objet de la demande, jointe à celle dont le candidat est déjà propriétaire. Ayant constaté que le grief tenant à la sous-location de certains bâtiments consentie autrefois à des ouvriers, lequel avait entraîné la résiliation d’un des baux dont l’indivisaire bénéficiait, ne relevait pas d’une mauvaise exploitation, ces biens ayant été tenus par lui en bon état, et que les parcelles dont il restait preneur étaient correctement cultivées, la cour d’appel a souverainement retenu qu’il remplissait la condition d’aptitude à gérer les biens transmis. Dès lors que le conjoint survivant résidait dans l’immeuble d’habitation susceptible d’une attribution distincte et que les bâtiments d’habitation et ceux d’exploitation pouvaient être desservis par des accès séparés, la cour d’appel a pu attribuer préférentiellement au propriétaire indivis les bâtiments d’exploitation. (Cass. 22 mars 2018).
SALARIÉ PROTÉGÉ : Saisine de l’inspection du travail au terme d’un CDD
L’employeur d’un salarié protégé titulaire d’un CDD doit saisir l’inspecteur du travail un mois avant l’arrivée du terme, conformément aux dispositions de l’article L.2421-8 du code du travail. L’inspecteur du travail est chargé de contrôler que le salarié ne fait pas l’objet d’une mesure discriminatoire. Lorsqu’il n’a pas été saisi, le CDD peut être requalifié en contrat à durée indéterminée à la demande du salarié. Ce dernier peut solliciter sa réintégration. S’il ne la demande pas, il a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur dont le montant est égal aux rémunérations qu’il aurait dû percevoir entre sa date d’éviction et la fin de la période de protection en cours. Un employeur condamné à indemniser un délégué du personnel dont le CDD était arrivé à son terme sans que l’inspecteur du travail ait été saisi préalablement a déposé une question prioritaire de constitutionnalité ainsi formulée : “L’article L.2421-8 du code du travail, tel qu’interprété par la Cour de Cassation, en ce qu’il institue, en cas d’omission par l’employeur de saisir l’inspection du travail un mois avant le terme d’un CDD d’un salarié titulaire d’un mandat de délégué du personnel, une sanction pécuniaire automatique et forfaitaire, quelles que soient les circonstances de l’espèce, porte-t’il atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et notamment aux principes d’individualisation et de personnalisation des sanctions, de proportionnalité et de nécessité des délits et des peines résultant de la Déclaration des droits de l’homme de 1789”? La Cour de cassation considère que la question n’est pas nouvelle. Elle ne présente pas, non plus, un caractère sérieux dès lors que “la disposition subordonnant la rupture, à l’arrivée de son terme, du CDD d’un salarié investi d’un mandat de représentant du personnel ou d’un syndicat à l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail trouve son fondement dans l’exigence constitutionnelle de participation des travailleurs à la gestion des entreprises”. La chambre sociale estime que “la poursuite de la relation contractuelle dans le cadre d’un CDI qui, pour cette raison, résulte nécessairement de la méconnaissance de cette disposition et se traduit pas un droit à indemnisation réparant l’intégralité du préjudice subi pendant tout le temps de la protection conférée par le mandat, ne constitue pas une sanction au sens de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789”. Elle décide donc qu’il n’y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil Constitutionnel. Il convient de préciser que l’article L.2421-8 du code du travail, qui vient d’être modifié par la loi du 29 mars 2018, ne maintient l’obligation de saisir l’inspecteur du travail que dans certains cas. Il s’agit notamment d’ l’hypothèse de la rupture du CDD avant l’échéance du terme en raison d’une faute grave ou d’une inaptitude constatée par le médecin du travail. (Cass. 22 mars 2018).
PRÊT TOXIQUE : Action en responsabilité
Dans un arrêt rendu le 28 mars 2018, la Cour de Cassation approuve la cour d’appel qui, après avoir relevé que les contrats de prêts litigieux comportent un aléa, consistant en l’application, pour la deuxième phase du remboursement, d’un taux variable calculé en fonction du taux de variation du cours du change de l’euro en franc suisse, retient qu’ils ne constituent pas, pour autant, des contrats spéculatifs puisque, en les souscrivant, la commune n’a pas cherché à s’enrichir mais seulement à refinancer des investissements réalisés dans l’intérêt général à des conditions de taux d’intérêt les plus avantageuses. Qu’en cet état, et dès lors que le caractère de la seule exposition de la collectivité territoriale à des risques illimités, la cour d’appel a légalement justifié sa décision. Par ailleurs, après avoir énoncé que le caractère averti d’un emprunteur ne se présume pas et doit résulter d’une analyse concrète, au jour de la conclusion du prêt litigieux, l’arrêt, après avoir relevé que la commune était d’une certaine importance puisqu’elle comptait 15 000 habitants, constate qu’il est établi qu’elle a eu recours, depuis plus de 30 ans, à une vingtaine d’emprunts auprès de différents établissements bancaires, les prêts litigieux de 2007 et 2010 ayant eu pour objet de refinancer des prêts antérieurement souscrits ; qu’il relève également qu’à fin 2010, le montant total des emprunts représentait une somme de 15,33 M€ dont 6,154 souscrits auprès de la société Dexia ; qu’il relève ensuite que la commune a souscrit plusieurs emprunts à taux variable représentant 40% de la totalité de son endettement, qu’en 2010, son maire était diplômé de sciences de gestion et trésorier de l’Association des maires d’Ile-de-France et qu’au surplus, en 2010 comme en 2007, elle disposait d’un commission des finances composée de 10 membres ; qu’il constate encore que l’extrait du registre des délibérations du conseil municipal du 17 décembre 2009 porte mention de l’autorisation donnée au maire “de procéder aux opérations financières utiles à la gestion des emprunts, y compris les opérations de couverture des risques de taux de change” ; qu’il retient enfin que la commune développait une politique active de gestion de sa dette, y compris en souscrivant des emprunts à taux variable et ne pouvait donc pas ignorer l’existence d’un risque ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, dont elle a souverainement déduit que le caractère averti de la commune lors de la souscription des emprunts contestés de 2007 et 2010 était établi, la cour d’appel qui s’est prononcée par une décision dénuée de caractère abstrait, a légalement justifié sa décision. (Cass. 28 mars 2018).
VIE PRIVÉE : Droit à l’image
Il résulte des arrêts de la Cour EDH que, pour apprécier l’atteinte au droit au respect de la vie privée et à l’image, il y a lieu de prendre en considération la contribution de la publication incriminée à un débat d’intérêt général, la notoriété de la personne visée, l’objet du reportage, le comportement antérieur de la personne, le contenu, la forme et les répercussions de ladite publication, ainsi que, le cas échéant, les circonstances de la prise des photographies; la définition de ce qui est susceptible de relever de l’intérêt général dépend des circonstances de chaque affaire. (Cass. 21 mars 2018).
FOND DE COMMERCE : Location-gérance
Le contrat de location-gérance conclu en violation des conditions exigées du loueur, qui n’ont pas pour finalité la protection des intérêts particuliers des parties, est atteint d’une nullité absolue et la déchéance du droit à renouvellement du bail, prévue par l’article L.144-10 du code de commerce, est encourue dès lors que le preneur consent un contrat de location-gérance atteint par la nullité prévue à l’alinéa 1er du même texte. (Cass. 22 mars 2018).
« EMPLOIS FRANCS » : Expérimentation
L’expérimentation du dispositif d’emplois francs, réactivée récemment par l’article 175 de la loi de finances pour 2018 avec quelques ajustements, est opérationnelle à compter du 1er avril 2018. Les conditions d’éligibilité au dispositif ont été précisées par un décret du 30 mars 2018 et par un arrêté du même jour. Ainsi, une aide publique peut être attribuée aux employeurs qui embauchent, par CDI ou CDD d’au moins 6 mois conclu entre le 1er avril 2018 et le 31 décembre 2019, un demandeur d’emploi résidant dans un quartier prioritaire de la politique de la ville, dont la liste a été parallèlement fixée par décret. Les employeurs éligibles sont ceux affiliés à l’assurance chômage, à l’exclusion des employeurs publics et des particuliers employeurs. D’un montant de 5 000 € par an, dans la limite de 3 ans, pour une embauche en CDI et de 2 500 par an, dans la limite de 2 ans, pour une embauche en CDD d’au moins 6 mois, l’aide est versée chaque semestre, sous réserve d’une attestation de présence transmise par l’employeur à Pôle Emploi dans les délais prescrits. Le ministère du Travail fournit sur son site le formulaire de la demande d’aide qui devra être renseigné et transmis par l’employeur à Pôle emploi pour en bénéficier. propriété littéraire et artistique : Oeuvre de collaboration Constituent des oeuvres de collaboration des chansons dont le processus d’élaboration résulte d’un échange mutuel entre l’auteur des paroles et le compositeur, les propositions de modifications des textes illustrant le travail concerté des auteurs unis par une communauté d’inspiration, peu important que les textes soient issus de poèmes préexistants. Si le coauteur d’une oeuvre de collaboration peut agir seul pour la défense de son droit moral, c’est à la condition que sa contribution puisse être individualisée. Dans le cas contraire, il doit, à peine d’irrecevabilité, mettre en cause les autres coauteurs de l’oeuvre ou de la partie de l’oeuvre à laquelle il a contribué. Les paroles des chansons ayant été écrites à partir de poèmes préexistants, en collaboration étroite avec leurs auteurs, et la contribution du compositeur étant indivisibles de la leu, il y a lieu de respecter la cause. (Cass. 21 mars 2018). De même, ne peut bénéficier de l’exception de courtes citations, l’éditeur qui reproduit des extraits de chansons dans un ouvrage, alors que les citations ne sont destinées ni à illustrer une controverse ni à éclairer un propos ou approfondir une analyse à visée pédagogique, ni ne servent à enrichir les connaissances du public, peu important le genre biographique de l’oeuvre citante. (Cass. 21 mars 2018).
CONCURRENCE : Rupture brutale des relations commerciales établies
L’application, à la présente instance, de la règle issue du revirement de jurisprudence du 29 mars 2017, qui conduirait à retenir l’irrecevabilité de l’appel formé devant la Cour d’appel de Paris, aboutirait à priver l’appelante, qui ne pouvait ni connaître, ni prévoir, à la date à laquelle elle a exercé son recours, la nouvelle règle jurisprudentielle limitant le pouvoir juridictionnel de la Cour d’appel de Paris, d’un procès équitable, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention EDH, de sorte que la censure de l’arrêt n’est pas encourue. (Cass. 21 mars 2018).
ENVIRONNEMENT : Protection
L’article L.181-18 du code de l’environnement précise les pouvoirs dont dispose le juge de l’autorisation environnementale. Il prévoit que le juge peut surseoir à statuer pour permettre la régularisation de l’autorisation lorsque le ou les vices dont elle est entachée sont susceptibles d’être régularisés, soit limiter la portée ou les effets de l’annulation. Il permet, par ailleurs au juge de prononcer la suspension de l’exécution de parties non viciée. (CE. 22 mars 2018).