PERMIS DE CONDUIRE : Les droits et obligations de l’employeur
Le fait qu’un salarié ait ou non le permis de conduire relève, en principe, de sa vie privée. Dans certains cas, l’employeur a besoin de connaître la situation du salarié sur ce point, un retrait du permis pouvant avoir un impact direct sur la relation de travail. Mais le pouvoir d’investigation et d’action de l’employeur est encadré. Certains postes imposent des déplacements (commercial, technicien de maintenance….) Pour ce type de postes, il est possible de demander au candidat, lors de l’entretien ou dans questionnaire d’embauche, s’il possède le permis de conduire. Ces informations ont, en effet, pour but d’apprécier la capacité du candidat à occuper l’emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles et ont un lien direct avec cet emploi (article L.1221-6 du code du travail ; circulaire du 15 mars 1993). Lorsque le poste nécessite un permis spécifique (ex: poids lourd), l’employeur peut demander si le candidat en est détenteur. A l’embauche, l’employeur peut procéder aux vérifications de diplômes qu’il estime nécessaires. Il peut donc demander à voir l’original du permis et non une photocopie (le candidat pourrait, en effet, produire une copie après s’être vu retirer son permis de conduire) lorsque cela est nécessaire pour l’emploi confié. En revanche, l’employeur ne peut pas collecter des informations sur le nombre de points détenus par le titulaire d’un permis de conduire (article L.223-7 du code de la route). Il s’agit d’une infraction pénale passible de 5 ans d’emprisonnement et de 300 000€ d’amende (article 226-21 du code pénal). Un candidat doit répondre de bonne foi aux questions qui lui sont posées lors de son recrutement, dès lors qu’elles ont un lien direct avec l’emploi proposé (article L.1221-6 du code du travail). Toutefois, l’employeur : – qui ne vérifie pas qu’un salarié possède un diplôme ne peut pas ensuite lui reprocher une faute grave s’il ment (Cass. 30 mai 1991), cette solution parait transposable au permis de conduire ; – qui découvre, après l’embauche, que le salarié ne détient pas le permis de conduire ne peut pas lui imposer une rétrogradation. La mauvaise foi de l’intéressé lors de la conclusion du contrat de travail ne permet pas de modifier unilatéralement son contrat (Cass. 24 avril 2013). Dans cette hypothèse, une des solutions pour l’employeur serait de demander la nullité du contrat de travail, s’il peut convaincre les juges que le mensonge du salarié a eu un rôle déterminant dans son recrutement (articles 1130 et 1137 du code civil) (Cass. 30 mars 1999). Chaque salarié a droit au respect de sa vie privée (article 9 du code civil). Pour autant, lorsque les fonctions du salarié exigent qu’il se déplace en utilisant un véhicule (ex: voiture, camion), l’employeur peut lui demander de justifier qu’il est en possession de son permis de conduire pendant la durée du contrat de travail. Il est ainsi possible de prévoir dans le contrat de travail une clause : – indiquant que la détention du permis de conduire s’avère indispensable pour l’exécution des fonctions du salarié ; – et imposant au salarié d’informer l’employeur en cas de suspension ou de retrait du permis de conduire. En revanche, il est impossible de décider, dans cette clause, que le retrait du permis de conduire entraînera automatiquement la rupture du contrat de travail. Le licenciement motivé par l’application d’une telle clause serait sans cause réelle et sérieuse (Cass. 12 février 2014). Par ailleurs, l’employeur veille à ce que les véhicules utilisés pour l’activité professionnelle soient assurés par l’entreprise ou par le salarié lorsqu’il s’agit de son véhicule personnel. Dans ce dernier cas, il peut demander une attestation justifiant que le véhicule personnel est assuré à titre professionnel. Concernant les infractions routières, en principe, le conducteur d’un véhicule est responsable pénalement des infractions commises par lui en conduisant ce véhicule. Dans certaines circonstances, cette responsabilité peut échoir à l’employeur (article L.121-1 du code de la route). Toutefois, l’employeur doit signaler aux autorités le salarié qui commet une infraction routière avec un véhicule de l’entreprise (article L.121-6 du code de la route). Cela concerne les infractions relevées par ou à partir d’appareils de contrôle automatique homologués (ex: radars), listés par décret (articles L.130-9 et R.130-11 du code de la route). A compter de l’envoi ou de la remise de l’avis de contravention, l’employeur a 45 jours pour communiquer l’identité du salarié qui conduisait le véhicule, son adresse et les références de son permis de conduire (articles A.121-1, A.121-2 et 1.121-3 du code de la route). Lorsque l’infraction a été commise par une personne non identifiée (ex : véhicule volé, plaque d’immatriculation usurpée), l’employeur doit communiquer certains éléments justifiant de l’impossibilité d’identifier l’auteur de l’infraction (article L.121-6 du code de la route). L’employeur peut adresser ces diverses informations par LRAR en utilisant le formulaire joint à l’avis e contravention. Il peut aussi passer par le site internet de l’Agence nationale du traitement informatisé des infractions. A défaut de respecter ces obligations, l’employeur s’expose à l’amende prévue pour les contraventions de 4ème classe (750 € à multiplier par 5 pour les personnes morales). Notons que l’employeur ne peut pas prélever directement sur le salaire les contraventions dues à la suite d’infractions commises par le salarié avec un véhicule professionnel, même si cela est prévu par le contrat de travail (Cass. 11 janvier 2006) (Cass. 17 avril 2013). Dans les développements suivant, l’expression “retrait de permis” vise le cas du retrait définitif et celui de la suspension temporaire. Licencier un salarié auquel son permis a été retiré n’est possible que lorsque la conduite d’un véhicule est l’un des éléments de sa prestation de travail. La perte du permis peut alors constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement si, du fait de ce retrait, le salarié ne peut plus exercer ses fonctions pour une période déterminée ou indéterminée (Cass. 1er avril 2009). En revanche, si le salarié peut travailler sans son permis, le licenciement est inenvisageable. Par ailleurs, l’employeur doit vérifier si sa convention collective encadre le licenciement lié à la perte du permis de conduire. Le retrait du permis de conduire qui intervient en dehors du temps de travail constitue, en principe, un fait de la vie personnelle qui ne peut donner lieu à aucune sanction disciplinaire. Un licenciement pour faute est donc impossible. L’employeur ne peut licencier le salarié que si la perte du permis crée un trouble objectif dans le fonctionnement de l’entreprise qui rend impossible le maintien dans l’entreprise compte tenu du poste du salarié. Il s’agit alors d’un licenciement non disciplinaire. Si un salarié est reconnu inapte à son poste, celui-ci nécessitant de conduire et que son permis lui est retiré pour raison médicale, l’employeur doit chercher à reclasser son salarié dans un emploi adapté à ses capacités. Le poste de reclassement doit être aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, si besoin par le biais d’une mutation, d’une transformation de poste ou d’un aménagement du temps de travail (articles L.1226-2 et L.1226-10 du code du travail). En outre, si la perte du permis met le salarié dans l’impossibilité de travailler pendant son préavis, celui-ci n’a pas à être rémunéré (Cass. 28 février 2018). A l’inverse, le préavis doit être payé si l’employeur aurait pu affecter le salarié à des tâches administratives annexes, prévues par le contrat de travail, pendant sa durée (Cass. 31 mars 1998). Enfin, l’annulation de la décision de retrait de permis a un caractère rétroactif. Le licenciement fondé sur ce retrait devient sans cause réelle et sérieuse (Cass. 13 juillet 2012).
Protocole préélectoral : Préparer l’élection du CSE
De nombreuses élections de comités social et économique vont avoir lieu d’ici le 31 décembre 2019. Cela suppose que l’employeur organise ces élections et négocie un protocole préélectoral que, tout en s’inspirant de ceux antérieurement négociés dans l’entreprise, il conviendra peut-être d’aménager. Le comité social et économique (CSE) remplacera les DP, le CE et le CHSCT d’ici le 1er janvier 2020 (ordonnance du 22 septembre 2017), ce qui signifie que le second tour des élections du CSE interviendra le 31 décembre 2019 au plus tard. L’invitation des syndicats à négocier le protocole de ces élections aura donc lieu avant la fin 2019 et au moins 2 mois avant la fin du mandat des instances en place (article L.2314-5 du code du travail). Si les mandats prennent fin après le 1er janvier 2020, l’employeur les fera cesser de manière anticipée. L’employeur invite l’ensemble des syndicats intéressés à négocier le protocole. Sont concernées les organisations syndicales légalement constituées et remplissant les conditions pour présenter des candidats dans l’entreprise, c’est-à-dire celle qui (article L.2314-6 du code du travail) : – sont représentatives dans l’entreprise ou l’établissement ; – ou ont constitué une section syndicale ; – ou sont affiliées à une organisation représentative aux niveaux national et interprofessionnel ; – ou satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, sont légalement constituées depuis au moins 2 ans, et ont un champ professionnel et géographique qui couvre l’entreprise ou l’établissement. Le cas échéant, il convient d’inviter les syndicats catégoriels. Dans le cas des entreprises de 11 à moins de 20 salariés où aucun salarié ne s’est porté candidat aux élections dans les 30 jours suivant la date à laquelle l’employeur a informé le personnel de l’organisation de celle-ci, il n’y a pas à inviter les organisations syndicales à négocier le protocole d’accord préélectoral. Le processus électoral s’achève et un PV de carence est établi (article L.2314-5 du code du travail). L’employeur invite par courrier les syndicats reconnus comme représentatifs dans l’entreprise ou l’établissement, ou qui y ont constitué une section syndicale ou qui sont affiliés à une organisation syndicale représentative aux niveaux national et interprofessionnel. Il procède par LRAR ou par courrier remis en main propre contre décharge. L’employeur peut procéder par tout moyne (mail, affichage, courrier) pour les syndicats remplissant les conditions suivantes (article L.2314-5 du code du travail) : – être légalement constitués depuis au moins 2 ans ; – satisfaire aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance ; – et avoir un champ professionnel et géographique qui couvre l’entreprise ou l’établissement concerné. L’invitation à négocier doit parvenir au plus tard 15 jours avant la date de la première réunion de négociation du protocole préélectoral total. Refuser l’un des syndicats intéressés est susceptible d’entraîner l’annulation des élections. Le protocole est négocié par l’employeur, ou son représentant, et une délégation syndicale. Le code du travail n’impose pas de nombre minimum de séances de négociations. Dans la mesure où il s’agit d’une nouvelle instance sans doute que deux réunions au moins seront nécessaires. En pratique, l’employeur fixe et indique la date d’ouverture des négociations dans l’invitation faite aux syndicats. Il est conseillé de fixer une date de clôture des négociations lors de la première séance de concertation avec les syndicats, à l’issue de laquelle les parties en présence devront avoir signé ou non le protocole. Cette date doit nécessairement se situer avant la date limite d’affichage des listes électorales, c’est-à-dire au moins 4 jours avant la date du scrutin et éventuellement envoi de bulletins de vote par correspondance. Notons que l’employeur fournit aux syndicats les éléments nécessaires au contrôle de la liste électorale et les informations relatives aux salariés mis à disposition des entreprises extérieures. Le protocole préélectoral traite des modalités d’organisation et de déroulement des élections : la date, l’heure et le lieu du scrutin, le nombre et la composition des bureaux de vote, l’organisation du vote par correspondance, la nature et la forme du matériel de vote, dates, bureaux de vote. De plus, il : – répartit le personnel dans les collèges électoraux et les sièges entre les différentes catégories du personnel ; – mentionne la proportion de femmes et d’hommes composant chaque collège électoral. Le protocole peut prendre des dispositions afin de faciliter, lorsque cela est pertinent, la représentation des salariés travaillant en équipes successives ou dans des conditions qui les isolent des autres salariés. Les ordonnances Macron ouvrent la possibilité au protocole préélectoral de modifier le nombre de sièges ou le volume des heures individuelles de délégation à la condition que ces modifications assurent un volume global d’heures de délégation, au sein de chaque collège, au moins égal à celui prévu par le code du travail en fonction de l’effectif. En d’autres termes : – si le nombre d’élus est réduit, le volume des heures individuelles de délégation est augmenté proportionnellement ; – si le nombre d’élus est augmenté, le volume des heures individuelles de délégation est réduit en proportion. La validité de cette clause est soumise à la règle de la double majorité. En revanche, il est impossible que le protocole comporte des dispositions contraires au droit électoral ou qui soient moins favorables que la loi. Il est notamment impossible : – d’exclure du vote certains salariés à temps partiel ; – de rendre plus stricte l’appréciation de la condition d’éligibilité ; – d’écarter de l’électorat et de l’éligibilité les salariés exerçant des fonctions managériales prédéfinies, arguant qu’ils seraient assimilables à l’employeur. (Cass. 20 mars 2013).
Prestataire : Abus de confiance
Pour l’organisation de son mariage, un client s’adresse à un professionnel et lui verse plusieurs acomptes. Malheureusement, le professionnel, qui s’est fait radier du registre du commerce depuis plusieurs mois, ne va rien organiser du toute. Le client porte plaine et les juges prononcent une peine d’emprisonnement de 1 an, dont 6 mois “ferme” pour abus de confiance. Rappelons que l’abus de confiance est “le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé”. La Cour de Cassation censure la condamnation en suivant ce raisonnement : – l’abus de confiance ne peut porter que sur des fonds, valeurs ou biens remis à titre précaire ; – or, les fonds remis en vertu du contrat de prestation de service l’ont été en pleine propriété ; – le délit d’abus de confiance ne peut donc être retenu. Peu importe, précise la Cour de Cassation, la connaissance par le prestataire, dès la remise des fonds, de son impossibilité d’exécuter le contrat. En revanche, la Cour de Cassation note que les juges auraient pu rechercher si les faits poursuivis auraient pu recevoir une autre qualification pénale.
Rupture conventionnelle : Annulation
Lorsque l’employeur et un salarié concluent une rupture conventionnelle individuelle, le salarié perçoit une indemnité de rupture (article L.1237-13 du code du travail). Si, par la suite, cette rupture conventionnelle est annulée par les juges, elle produit alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec les conséquences financières que cela implique et notamment le paiement d’une indemnité au salarié. Pour la première fois, la Cour de Cassation énonce clairement une évidence concernant la somme versée au salarié dans le cadre de la rupture conventionnelle initiale et celle qui lui est due lorsque cette rupture conventionnelle est annulée. Le salarié ne peut pas cumuler les deux et devra donc restituer à l’employeur la somme versée en application de la convention de rupture. Cette obligation de restitution découle de la nullité de la convention de rupture qui a pour conséquence de remettre les parties en l’état dans lequel elles se trouvaient initialement. Peu importe que le salarié demande aux juges, comme en l’espèce, à conserver le montant de l’indemnité de rupture en plus de la somme réclamée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans ces circonstances, l’employeur n’aura donc pas à payer double (Cass. 30 mai 2018).
Rupture conventionnelle : Consentement altéré
Lorsque l’employeur et un salarié sont d’accord pour mettre fin au contrat de travail, ils peuvent signer une rupture conventionnelle individuelle (article L.1237-11 du code du travail). Encore faut-il que chaque partie ait librement consenti à cette rupture. Si le consentement de l’un ou de l’autre est vicié, la rupture conventionnelle est nulle et s’analyse alors comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. 16 septembre 2015). Dans une affaire tranchée par la Cour de Cassation le 16 mai 2018, une salarié avait, à sa demande, signé avec son employeur une rupture conventionnelle que l’administration avait homologuée. Par la suite, elle avait saisi la juridiction prud’homale pour faire annuler la rupture, soutenant que son consentement avait été altéré en raison de son état de santé, en l’occurrence un trouble mental imputable à une tumeur. A l’appui des documents médicaux produits, les juges du fond ont annulé la rupture conventionnelle, considérant que la salariée n’avait pas toute sa capacité et ses facultés mentales pour signer la convention de rupture. Ils se sont fondés sur l’article 414-1 du code civile qui dispose que “pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit”, à charge pour celui qui invoque un trouble mental d’en prouver l’existence. La Cour de Cassation a approuvé leur décision et a confirmé la condamnation de l’employeur pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec à la clef 12 000 € de dommages et intérêts.