Domaine social : Nouveaux modes de calculs et nouveaux seuils

Le projet de loi pour la croissance et la transformation des entreprises, dit “PACTE” va apporter des nouveautés concernant les modes de calcul et les seuils dans le domaine social des entreprises. Diverses obligations sociales s’imposent à l’entreprise lorsque celle-ci atteint certains seuils d’effectif. La difficulté vient notamment du fait qu’il existe des différences entre les modes de calcul tenant à la période ou date de référence sur laquelle l’effectif est calculé, aux effectifs pris en compte, ou à l’entité au niveau de laquelle est apprécié l’effectif (entreprise, établissement ou unité économique et sociale). En droit social, on pense principalement aux seuils de 11, 20, 50 et 300 salariés. Le projet de loi PACTE projette de rationaliser les seuils d’effectifs en retenant, sauf exception, les niveaux de 11, 50 et 250 salariés. Le projet de loi ajuste certains seuils intermédiaires. Le seuil de l’immatriculation obligatoire au répertoire des métiers serait relevé de 10 à 11 salariés. Le seuil concernant la communication aux actionnaires des rémunérations les plus élevées, et celui à partir duquel la mise en place d’un local syndical commun est obligatoire, passeraient de 200 à 250 salariés. Afin de tenir compte des situations existantes, dans les entreprises de 200 à 250 salariés, les locaux demeurent mis à disposition des syndicats pendant au moins 5 ans. D’autres mesures viendront compléter cette démarche globale dans le cadre de la prochaine loi de finances pour les seuils relevant du code général des impôts et dans le cadre de mesures réglementaires pour les seuils d’effectif relevant de ce niveau de norme. La référence au seuil fixé à 20 salariés serait réduite. Ainsi, l’accès au titre emploi-service entreprise ou au chèque-emploi associatif serait ouvert aux employeurs sans prise en compte d’une condition d’effectif maximal, la référence au seuil de 20 salariés étant supprimée. Les seuils seraient relevés de 20 à 50 salariés pour : – l’obligation d’établir un règlement intérieur (article L.1311-2 du code du travail), celle-ci ne s’imposerait que si le seuil de 50 salariés a été atteint durant 12 mois consécutifs (par dérogation au nouveau “délai” de 5 ans décrit ci-après) ; – l’assujettissement à la participation à l’effort de construction (article L.313-1 du code de la construction et de l’habitation) ; – l’assujettissement à la contribution FNAL de 0,5% sur le salaire brut total (article L.834-1 du code de la sécurité sociale) Le seuil de 20 salariés serait maintenu pour l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés à la charge des entreprises (article L.5212-4 du code du travail) et les modalités de calcul de la contrepartie obligatoire en repos inhérente aux heures supplémentaires (article L.3121-38 du code du travail). Dans un souci de “stabilité juridique”, les seuils d’effectif issus de la réforme du code du travail ne seraient pas touchés par la loi PACTE (loi du 15 septembre 2017). Par exemple, les seuils relatifs au comité social et économique (mise en place, attributions…) et leurs règles de calcul sont maintenus. Le projet de loi envisage d’harmoniser les calculs d’effectif en matière sociale en étendant à de nouvelles dispositions le mode de décompte du code de la sécurité sociale, actuellement applicable pour l’ensemble des règles de calcul et le recouvrement des cotisations et contributions de sécurité sociale, la participation construction et le versement transport. De plus, ce calcul étant porté par la déclaration sociale nominative (DSN), il doit permettre un décompte automatique des effectifs censé faciliter la vie des entreprises. Le projet de loi reprend les principales caractéristiques du mode de calcul des effectifs prévus par le code de la sécurité sociale (article R.130-1 du code de la sécurité sociale), au sein d’un nouvel article législatif, à venir. En pratique, pour le cas général, si la loi est votée en l’état, l’effectif salarié annuel de l’entreprise correspondrait à la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de l’année civile précédente. Un décret viendrait ajuster les catégories de personnes à prendre dans l’effectif et les modalités de leur décompte. Ainsi, ce décret modifierait le code de la sécurité sociale afin d’exclure des effectifs les mandataires sociaux, alors que les dirigeants affiliés de plein droit au régime général sont actuellement pris en compte dans l’effectif “sécurité sociale”. L’étude d’impact indique que ce dispositif s’appliquerait à tous les seuils d’effectif relevant d’un décompte “sécurité sociale”. Le projet de loi prévoit également d’étendre le décompte “sécurité sociale” à certaines dispositions du code du travail : – la contrepartie sous forme de repos obligatoire aux heures supplémentaires (modalités de calcul variant selon que l’entreprise occupe 20 salariés ou plus) (article L.3121-38 du code du travail) ; – la mise en oeuvre de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés pour les entreprises de 20 salariés et plus (article L.5212-1 du code du travail) ; – l’exonération de cotisations sociales en matière d’apprentis (article L.6243-2 du code du travail) ; – l’assujettissement à la participation aux résultats (entreprises d’au moins 50 salariés) (article L.3322-2 du code du travail) ; – l’abondement du compte personnel de formation lorsque l’employeur n’a pas rempli ses obligations en matière d’entretien professionnel (article L.6315-1 et L.6323-13 du code du travail) ; – la législation sur les chèques vacances, comportant des avantages en-deçà de 50 salariés (articles L.411-1 et L.411-9 du code du tourisme). En revanche, pour l’obligation d’établir un règlement intérieur, l’effectif resterait calculé selon les règles de droit du travail. Le projet de loi prévoit que l’obligation se déclenchera au bout de 12 mois consécutifs avec un effectif supérieur ou égal à 50 salariés. Un décret devrait ajuster le décompte pour les seuils suivants prévus dans le code du travail : – transmission dématérialisée des attestations d’assurance chômage à Pôle emploi, pour les entreprises de 10 salariés et plus ; – mise à disposition d’un local de restauration ; – désignation d’une personne comme conseiller à la prévention hyperbare dans les entreprises d’au moins 10 salariés ; – mise à disposition du DIRECCTE et du médecin inspecteur du travail d’un document annuel indiquant des changements d’affectation du médecin du travail par les entreprises de plus de 50 salariés. Le projet de loi introduit la règle selon laquelle un seuil d’effectif “sécurité sociale” est considéré comme franchi lorsqu’il a été atteint pendant 5 années civiles consécutives. Ce n’est qu’ensuite que les entreprises peuvent se voir assujetties à de nouvelles obligations ou contraintes. Il s’agit de protéger les entreprises dont les effectifs fluctuent et ainsi de, notamment, lever les freins à l’embauche. S’il advenait qu’après une diminution de l’effectif sur une année le faisant passer sous un seuil, l’entreprise repasse ultérieurement au-dessus de celui-ci, l’entreprise bénéficierait d’un nouveau “délai” de 5 ans. Cette précision vise à protéger les entreprises dont l’effectif fluctue. Enfin, ces nouvelles règles, qui seront codifiées dans le code de la sécurité sociale, concerneront toutes les dispositions de ce code liées à un seuil d’effectif (FNAL de 0,5%, forfait social sur prévoyance dans les entreprises de 11 salariés et plus, exonération sur 50 embauches en ZRR, seuil de tarification AT…). Elles s’appliqueront aussi à d’autres seuils prévus dans d’autres codes, mais qui, par renvoi, relèvent déjà de l’effectif “sécurité sociale” (versement de transport, participation construction) ou en relèveront à l’avenir. Il est prévu que ces nouvelles dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2019, sauf pour l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés pour laquelle elles s’appliqueraient à compter du 1er janvier 2020. Les employeurs bénéficiant au 31 décembre 2018 des anciens dispositifs de lissage ou de gel des effets de seuil continuent à en relever.

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