Projet de loi “pacte” : Mesures sociales du Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises

A compter du mois de septembre, le projet de loi PACTE du 19 juin 2018 sera discuté par les députés. Les seuils d’effectifs sociaux seraient recentrés autour de 3 principaux niveaux : 11, 50 et 250 salariés. Seuils sociaux : obligations des entreprises allégées Du fait de leur multiplicité, les seuils d’effectif constituent un environnement juridique complexe et illisible pour les entreprises. Le projet de loi prévoit donc de rationaliser les seuils d’effectif en se fondant sur les niveaux de 11, 50 et 250 salariés. Le projet de loi prévoit de réduire de manière substantielle le nombre de seuils fixés à 20 salariés et de supprimer deux seuils intermédiaires de 200 salariés. Ainsi, le seuil de 20 salariés serait supprimé : – pour l’application du titre emploi-service entreprise ou du chèque-emploi association, lesquels seraient ouverts sans condition d’effectif, y compris, par conséquent, aux employeurs de 20 salariés et plus ; – pour l’attribution du statut de conjoint collaborateur au conjoint du gérant associé unique ou du gérant majoritaire d’une SARL ou d’une SELARL. Un décret devrait être pris pour entériner cette mesure. Le seuil de 20 salariés serait relevé à 50 salariés pour : – l’obligation d’établir un règlement intérieur (uniquement si le seuil de 50 salariés a été atteint durant 12 mois consécutifs) ; – l’assujettissement à la participation à l’effort de construction ; – l’assujettissement à la contribution au FNAL de 0,50% sur la rémunération totale brute. En revanche, le seuil de 20 salariés serait conservé pour l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés et les modalités de calcul de la contrepartie obligatoire en repos attachée aux heures supplémentaires. En outre, deux seuils intermédiaires de 200 salariés passeraient à 250 salariés : – pour l’obligation de mettre à la disposition des sections syndicales un local commun ; – pour la communication aux actionnaires des rémunérations versées aux 10 personnes les mieux rémunérées dans les sociétés anonymes. Le projet de loi harmonie le calcul des effectifs salariés pour toute une série de dispositions relevant de divers codes, en se fondant sur “l’effectif sécurité sociale”, jugé plus favorable pour les entreprises. Il évite, en particulier, de prendre en compte les salariés mis à disposition par une entreprise extérieure, y compris les intérimaires. Ainsi, pour le cas général, l’effectif salarié annuel de l’entreprise correspondrait à la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de l’année civile précédente. Sans changement, l’effectif de référence pour la tarification “accident du travail” resterait celui de l’avant-dernière année (N-2). De même, sans changement, pour les entreprises nouvelles, l’effectif à prendre en compte pour l’année de création du premier emploi salarié titulaire d’un contrat de travail dans l’entreprise correspondrait à l’effectif présent le dernier jour du mois au cours duquel cette première embauche a été réalisée. En outre, ce mode de décompte devrait permettre de mobiliser la déclaration sociale nominative (DSN) et donc d’obtenir un décompte automatique pour un plus grand nombre de seuils d’effectifs. Pour mettre en oeuvre cette mesure, les principales caractéristiques du mode de calcul des effectifs prévus par le code de la sécurité sociale seraient regroupés au sein d’un nouvel article législatif. Le franchissement à la hausse d’un seuil d’effectif impose de nouvelles obligations aux entreprises. Dans certains cas, il entraîne la perte d’avantages. Pour fluidifier le franchissement des seuils d’effectif en cas de croissance de l’entreprise, des dispositifs de “gel” ou de “lissage” ont été mis en place. Le projet de loi prévoit d’instituer un mécanisme unifié et pérenne de limitation des effets de seuils qui retarde de 5 ans les effets de seuil pour tous les effectifs calculés selon les règles “sécurité sociale”. Ainsi, le franchissement d’un seuil ne produirait d’effet que si le seuil a été atteint ou dépassé durant 5 années civiles consécutives. Autrement dit, seules les entreprises s’inscrivant durablement dans un accroissement de leur effectif seraient soumises aux nouvelles obligations qui y sont liées (ou perdraient les avantages en cause). Les nouvelles règles entreraient en vigueur le 1er janvier 2019, sauf pour l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés pour laquelle elles s’appliqueraient à compter du 1er janvier 2020. Mesures en faveur de l’épargne salariale Les entreprises qui ont employé au moins 50 salariés pendant 12 mois au cours des trois derniers exercices, ont l’obligation de mettre en place un système de participation aux résultats à compter du 3ème exercice. Le projet de loi PACTE prévoit de changer sensiblement la donne sur deux points : – d’une part, il étendrait à la participation aux résultats le mode de calcul employé pour déterminer l’effectif “sécurité sociale” ; – et, d’autre part, l’effectif de 50 salariés devrait avoir été atteint ou dépassé pendant 5 années civiles consécutives avec obligation de mettre en place la participation à compter du premier exercice ouvert postérieurement à cette période de 5 ans. Le projet de loi entend définir un corpus de règles communes aux différents plans d’épargne retraite. La réforme serait ainsi complétée par une ordonnance, en vue de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les nouvelles règles communes s’appliquent aux produits existants (contrats PERP, contrats dits “article 83”, Madelin, PERCO…) L’objectif est de simplifier l’offre de produits de retraite supplémentaire, en l’organisant autour d’un produit individuel et de deux produits collectifs. Administrateurs salariés dans les grandes entreprises En application de la loi du 14 juin 2013, les sociétés anonymes et les sociétés en commandite par actions doivent désigner, parmi le personnel, un ou deux représentants des salariés au conseil d’administration ou au conseil de surveillance. Les entreprises concernées par cette réforme devraient procéder aux modifications statutaires nécessaires lors de l’assemblée général suivant l’entrée en vigueur de la loi. Les salariés désignés en application de cette réforme entreraient en fonction au plus tard six mois après cette assemblée générale. Instruments financiers des particuliers La nature des titres du capital qui peuvent être placés dans un PEA-PME est limitative. Elle serait étendue à d’autres titres proposés sur les plateformes de financement participatif. En outre, concernant le renforcement de la contribution de l’assurance-vie, support intermédiaire entre le fonds euro et les unités de compte, le contrat euro-croissance serait modernisé afin d’assouplir l’allocation des actifs pour l’assureur. La rente ou le capital garantis pourraient être exprimés en euros et en parts de provisions de diversification ou uniquement en parts de provisions de diversification avant l’échéance donnant lieu à une garantie à l’échéance exprimée en euros. A l’échéance, la valeur de rachat ne pourrait pas être inférieure au montant de la garantie exprimée en euros. Enfin, dans le cadre des contrats libellés en unités de compte, le bénéficiaire peut opter irrévocablement pour une remise de titres à la place d’un règlement en espèces. Les modalités de paiement en titres en cas de rachat ou de dénouement du contrat pour inciter à l’investissement sur les supports non cotés seraient précisées. Par ailleurs, il serait créé une présomption d’acceptation par le bénéficiaire de cette modalité de paiement du contrat lorsqu’elle est retenue par le souscripteur. En revanche, le versement de la prime d’un contrat d’assurance-vie ne pourrait être effectué qu’en numéraire, et non par apport en titres, afin d’empêcher les résidents français de placer leurs propres titres de sociétés dans des contrats d’assurance-vie souscrits à l’étranger afin de bénéficier de la fiscalité avantageuse de l’assurance-vie en cas de rachat ou en cas de succession.

Apport de titres : Plus-value en report d’imposition

Lorsque les titres grevés d’une plus-value placée sous un ancien régime de report d’imposition (article 92 B et 160, I ter et II ter du code général des impôts dans leur rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2000) ont fait l’objet d’un nouvel apport avec le bénéfice du report d’imposition obligatoire (apport de titres à une société IS contrôlée par l’apporteur réalisé depuis le 14 novembre 2012 ; article 150-0 B ter du code général des impôts), l’administration considère que l’opération entraîne l’expiration du report initial (BOFiP du 04/03/2017). Saisi d’une requête pour excès de pouvoir, le Conseil d’Etat (CE. 25 juin 2018) décide d’annuler ces commentaires administratifs pour les apports réalisés jusqu’au 31 décembre 2017. Selon lui, il résulte des articles 92 Bet 160, I ter et II ter du code général des impôts, à condition que la plus-value réalisée lors de cet échange fasse elle-même l’objet d’un report. Il pouvait en aller ainsi lorsque les titres en cause faisaient l’objet d’une opération d’apport respectant à la fois les conditions prévues par l’article 92 B ou l’article 160 du code général des impôts et celles auxquelles l’article 150-0 B ter du code général des impôts subordonne le bénéfice du report d’imposition obligatoire qu’il prévoit. Notons que pour les apports réalisés depuis le 1er janvier 2018, la loi de finances pour 2018 a prévu le maintien de plein droit des anciens reports d’imposition en cas de nouvel apport de titres placés sous le régime du report obligatoire (article 150-0 B ter du code général des impôts).

Plus-values immobilières : Durée d’exercice d’une activité opérationnelle

Sur option et sous conditions, les plus-values sur titres réalisées en 2012 ont pu être taxées au taux forfaitaire de 19% au lieu de 24% (article 200-0 A 2 bis du code général des impôts dans sa rédaction issue des lois de finances pour 2013 et 2014). Au titre des conditions exigées, la société dont les titres sont cédés devait avoir exercé une activité opérationnelle et ce, de manière continue pendant les 10 ans précédant la cession, ou en cas de création, depuis moins de 10 ans, depuis sa création. En l’espèce, une société A, qui était initialement une holding ayant pour seule activité la gestion de titres financiers (de 2005 à 2010 ses liasses ne mentionnaient aucun chiffre d’affaires), a absorbé par fusion avec effet rétroactif au 1er janvier 2011, sas filiale la SAS B, qui exerçait une activité commerciale. En mars 2012, la SARL C a été créée et a racheté l’ensemble des parts de la société A. Lors de la cession des titres de la SARL C en 2012, le cédant a opté pour le taux de 19%. L’administration fiscale a remis en cause ce taux de 19% au motif que la condition relative à l’exercice d’une activité opérationnelle par la société dont les titres sont cédés pendant une durée de 10 ans avant la cession n’était pas remplie. Selon la cour administrative d’appel, si l’opération de fusion-absorption a entraîné la transmission universelle du patrimoine de la SAS B, la société A, société absorbante devenue la SARL C, ne peut être regardée comme ayant exercé l’activité commerciale de routage qu’à compter de la date de la fusion-absorption au 1er janvier 2011. Par conséquent, la SARL C n’exerçant pas une activité commerciale de manière continue pendant les 10 années précédant la cession, le cédant ne pouvait pas bénéficier du taux de 19%. Cette solution semble transposable dans tous les cas où la condition d’exercice d’une activité opérationnelle pendant une certaine durée est requise (abattement renforcé pour les titres de PME nouvelles ou abattement des dirigeants partant en retraite) (CAA Nantes, 28 juin 2018).

CDI intérimaire : Contrats sécurisés

Le 10 juillet 2013, les partenaires sociaux de la branche d’intérim ont conclu un accord permettant aux entreprises de travail temporaire de proposer à leurs salariés des CDI intérimaires, dont la particularité est de couvrir les périodes d’intermission. Un syndicat non signataire a cependant attaqué l’arrêté d’extension de cet accord (arrêté du 22 février 2014), estimant notamment que les partenaires sociaux n’étaient pas habilités à créer une nouvelle catégorie de CDI. Par un arrêté du 27 juillet 2015, le Conseil d’Etat a décidé de renvoyer l’affaire au juge judiciaire, pour qu’il se prononce sur la validité de l’accord du 10 juillet 2013 (CE. 27 juillet 2015). La Cour de Cassation vient de trancher cette question (Cass. 12 juillet 2018). Elle souscrit à l’argumentation du syndicat et considère que, effectivement, la création du CDI intérimaire ne pouvait résulter que de la loi. Anticipant cette issue, la loi dite “Rebsamen” du 17 août 2015 avait sécurisé ce dispositif, en autorisant son expérimentation jusqu’au 31 décembre 2018. La Cour de Cassation précise cependant que la loi Rebsamen ne vaut que pour l’avenir et ne permet donc pas de pallier le défaut d’assise législative des CDI intérimaires conclus avant le 19 août 2015. Le sort de ces contrats est désormais suspendu à la décision du Conseil d’Etat par rapport à l’arrêté d’extension. S’il renonce à faire rétroagir la nullité de l’arrêté, les contrats antérieurs au 19 août 2015 seront sécurisés. A défaut, le salut pourrait provenir du projet de loi “Avenir professionnel” : un amendement déposé le 17 juillet dernier prévoit, en effet, que les CDI intérimaires conclus avant le 19 août 2015, sur le seul fondement de l’accord du 10 juillet 2013, sont présumés conformes à la loi Rebsamen (sans préjudice des contrats ayant fait l’objet de décisions de justice passées en force de chose jugée). Notons enfin que, dans sa version provisoire, le projet de loi “Avenir professionnel” prévoit de pérenniser le dispositif du CDI intérimaire en l’inscrivant dans le code du travail.

Bassins d’emplois à redynamiser : Exonérations

Le décret du 29 juin 2018 fixe une nouvelle liste des communes des bassins d’emploi à redynamiser (BER), applicable à compter du 1er juillet 2018. En principe, sauf disposition contraire, le dispositif continue à s’appliquer aux activités déjà implantées, au 30 juin 2018, dans les communes sortant des zones des BER. Le caractère annuel de la déclaration de mouvement de main d’oeuvre que doivent souscrire les entreprises bénéficiant de l’exonération de cotisations sociales attachées aux BER a été supprimé. Le nombre de déclarations varie désormais selon la date d’implantation, de création ou d’extension de l’établissement dans le BER (décret du 30 avril 2007 modifié par le décret du 29 juin 2018) : – trois déclarations pour chaque établissement implanté, créé ou étendu dans un BER entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2020 ; – deux déclarations pour chaque établissement implanté, créé ou étendu dans un BER entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2017 et bénéficiant encore de l’exonération au 1er janvier 2018 ; – une seule déclaration pour chaque établissement implanté, créé ou étendu dans un BER entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2015 et bénéficiant encore de l’exonération au 1er janvier 2018. Le décret détaille les mouvements de main d’oeuvre sur lesquels porte chacune de ces déclarations ainsi que les mentions qui doivent y figurer. Les déclarations doivent être envoyées au plus tard le 30 avril de l’année suivant la dernière année civile de la période sur laquelle elles portent. Ces nouvelles règles sont applicables à compter du 1er juillet 2018.

Micro-entrepreneurs : Seuils de dématérialisation

Les micro-entrepreneurs dont le dernier chiffre d’affaires déclaré ou les dernières recettes déclarées excèdent certains seuils doivent obligatoirement effectuer leurs déclarations et le paiement de leurs cotisations sociales de façon dématérialisées (article D.133-17, II du code de la sécurité sociale). L’article D.133-17 du code de la sécurité sociale fixait, jusqu’à présent, le seuil de dématérialisation en fonction d’un pourcentage sur les seuils applicables au régime fiscal de la micro-entreprise (articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts)`; Or, au 1er janvier 2018, ces seuils ont été portés à 170 000 € et 70 000 € (selon l’activité de l’entreprise) et déconnectés du régime de la franchise en base de TVA. Afin de tenir compte de ces modifications, un décret du 27 juin 2018 vient de modifier cet article afin de rétablir la référence aux seuils de la franchise en base de TVA, soit 82 800 € pour les activités de vente ou de fourniture de logement (hors location de locaux d’habitation meublés) et 33 200 € pour les prestations de service ou activités libérales en 2018 (article 293 B du code général des impôts). Sont donc bien concernés par l’obligation de dématérialisation les micro-entrepreneurs dont le chiffre d’affaires ou les recettes de l’année 2017 sont supérieurs à 20 700 € pour les activités d’achat et de vente (soit 25 % de 82 800 €) et à 8 300 € pour les prestations de service ou activités libérales (soit 25 % de 33 200 €). Ces dispositions s’appliquent, en principe, au 30 juin 2018. En pratique, ces seuils de 20 700 € et de 8 300 € avaient déjà été annoncés en début d’année sur les sites “secu-independants.fr” et “lautoentrepreneur.fr”.

Clientèle : Dénigrement et détournement

Une entreprise reproche à deux sociétés des actes de concurrence déloyale. Les juges saisis constatent que le gérant de l’une des deux sociétés, par ailleurs associé dans l’autre société, a adressé des emails dénigrant l’entreprise afin de détourner sa clientèle. Les juges condamnent, en conséquence, les deux sociétés à verser des dommages et intérêts à leur victime. Cependant, la Cour de Cassation censure l’une de ces condamnations. En effet, les emails du gérant/associé ont bin engagé la responsabilité de la société dans laquelle il est gérant, mais non celle dans laquelle il est seulement associé. Celle-ci ne doit donc pas être condamnée (Cass. 16 mai 2018).

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