Taux d’impôt sur les sociétés de 15% : Nouvelles précisions

A travers deux décisions, la jurisprudence est venue apporter des précisions sur les conditions de détention du capital d’une société bénéficiant du taux de 15% ainsi que sur les conséquences du non-respect des obligations déclaratives propres à l’application de ce taux (TA Melun, 29 juin 2017 ; CAA Lyon, 11 avril 2018). Les PME bénéficient de plein droit d’un taux réduit d’IS de 15% sur la fraction de leur bénéfice n’excédant pas 38 120 €, lorsqu’elles remplissent les trois conditions cumulatives suivantes : – elles ont un capital entièrement libéré ; – elles réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 7 630 000 €; – elles ont un capital détenu de manière continue pour au moins 75%, directement ou indirectement par des personnes physiques. Ce seuil de 75% peut être atteint : – soit par une ou plusieurs personnes physiques ; – soit par une ou plusieurs sociétés détenues elles-mêmes à au moins 75% par des personnes physiques et répondant aux critères de chiffre d’affaires et de libération de capital ; – ou encore par une combinaison des détentions de ces différentes personnes physiques ou sociétés. Le tribunal administratif de Melun s’est prononcé sur les modalités d’appréciation du seuil de 75% en cas de détention indirecte par une société du capital d’une société souhaitant bénéficier du taux réduit d’IS de 15%. En l’espèce, le capital d’une société (SAF) est détenu à hauteur de 51% par la société GD et à hauteur de 49% par la société NP. Le capital de la société GD est lui-même détenu à 51,8% par des personnes physiques et à 48,2% par la société NP. Le capital de la société NP est détenu exclusivement par des personnes physiques. La société SAF applique le taux d’IS de 15% pour l’imposition de ses résultats. Lors d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale remet en cause l’application de ce taux, ce que conteste la société SAF. La société SAF estime qu’elle peut prétendre au taux réduit d’IS de 15% dans la mesure où son capital est détenu directement pour 75,42% par des personnes physiques. Pour l’appréciation de ce taux, la société retient le taux de participation de la société NP dans son capital mais également dans celui de la société GD. Cette dernière peut être retenue dès lors que son capital est détenu par des personnes physiques et par un société (NP) elle-même détenue à 100% par des personnes physiques. Or, de son côté, l’administration exclut la société GD dans l’appréciation du seuil de détention de 75%. Elle ne retient que la participation de la société NP (49%) dont le taux de détention dans la société SAF est inférieur à 75%. Cette situation entraîne la remise en cause du taux de 15%. Le litige est porté devant le tribunal. Pour apprécier si la société SAF remplit la condition tenant à la composition de son capital pour bénéficier du taux de 15%, les juges vérifient si le capital de chacune des sociétés associées (sociétés GD et NP) de la société SAF est bien détenu pour au moins 75% par des personnes physiques. Ils relèvent que cette condition n’est pas satisfaite par la société GD, puisqu’elle n’est détenue qu’à hauteur de 51,8% par des personnes physiques. Par conséquent, sa participation directe dans le capital de la société SAF ne peut donc pas être retenue pour l’appréciation du seuil de 75%. Pour les juges, il importe peu que la société GD soit détenue à hauteur de 48,2% par la société NP détenue elle-même à 100% par des personnes physiques. Cette circonstance n’a pas d’incidence sur l’appréciation du seuil de 75% dans le capital de la société requérante. Les juges du fond prennent donc en compte uniquement la participation de la société NP dès lors que son capital est détenu directement à 100% par des personnes physiques. Sa participation dans la société SAF étant inférieure à 75% (en l’espèce 49%), celle-ci ne peut donc pas bénéficier du taux réduit d’IS des PME de 15%. En outre, pour l’application du taux d’IS de 15%, les sociétés doivent joindre à leur déclaration de résultats de la période d’imposition considérée, les documents suivants, conformes aux modèles établis par l’administration : – un état de la répartition du capital social ; – un état de détermination des bénéfices imposés au taux réduit. La cour administrative d’appel de Paris s’est prononcée sur l’incidence du non respect de la production de l’un de ces états pour les sociétés ayant appliqué le taux d’IS de 15% (CA Paris. 11 avril 2018). En l’espèce, lors de la vérification de comptabilité d’une société, l’administration a constaté que cette société, bien qu’appliquant le taux d’IS de 15%, n’avait pas joint l’état de répartition de son capital social à sa déclaration de résultats. L’administration, suivie par le tribunal administratif, a considéré que cette absence justifiait la remise en cause du taux de 15%. La cour administrative d’appel n’est pas de l’avis de l’administration. Elle considère que les dispositions de l’article 46 quater-0 ZZ bis du code général des impôts, qui subordonne le bénéfice du taux de 15% à la production de deux états posent, sans habilitation législative, et par suite, illégalement, une condition formelle au bénéfice de l’application du taux d’IS de 15%. Cette disposition du CGI ne peut servir de fondement à la décision de l’administration de ne pas appliquer le taux de 15%. Pour remettre en cause l’application du taux de 15%, l’administration doit uniquement s’assurer que les trois conditions cumulatives pour en bénéficier sont satisfaites. Cette décision des juges du fond n’est pas novatrice. Le tribunal administratif de Rennes a déjà rendu une décision analogue en 2008.

Entrepreneur : Protection des biens fonciers

Des époux sont propriétaires d’un bien immobilier qu’ils ont déclaré insaisissable par un acte publié en 2004. Des années plus tard, l’époux est mis en liquidation judiciaire. Le liquidateur assigne alors l’épouse et réclame le partage de l’indivision ainsi que la vente de l’immeuble. Saisie de ce litige, la Cour de Cassation note que la déclaration d’insaisissabilité a été publiée avant l’ouverture de la liquidation judiciaire. Les droits indivis de l’époux n’ont donc pas été appréhendés par la procédure collective. Par conséquent, l’action du liquidateur est repoussée. Il est à noter que, depuis l’intervention de la loi du 6 août 2015, la résidence principale de l’entrepreneur individuel est de plein droit protégée en cas de liquidation judiciaire. L’entrepreneur n’a plus besoin d’effectuer une déclaration (article L.526-1 du code du commerce). En revanche, cette déclaration est toujours à effectuer si l’entrepreneur veut protéger des biens immobiliers autres que sa résidence principale.

Entreprise micro-bic : Déclaration d’impôt

Compte tenu de la hausse significative du plafond des régimes micro-BIC, la CVAE s’applique, dès 2017, aux entreprises micro-BIC relevant du plafond de 170 000€, dont l’activité est située dans le champ d’application de la CFE et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 152 000€. Même si elles n’ont qu’un seul établissement, ces entreprises ne sont pas dispensées de déposer la déclaration 1330-CVAE. En effet, n’ayant pas de déclaration professionnelle à souscrire, elles ne peuvent pas mentionner leur chiffre d’affaires, leur valeur ajoutée et leur effectif sur l’annexe dédiée à la CVAE à leur déclaration de résultats, condition essentielle de dispense. Pour ces entreprises, la valeur ajoutée est déterminée par différence entre le montant des recettes et, le cas échéant, celui des achats réalisés au cours de l’année d’imposition (article 1586 sexies II bis du code général des impôts). Cette valeur ajoutée ne donne pas lieu au paiement de la CVAE (chiffre d’affaires n’excédant pas 500 000€, par définition). Mais elle doit être déclarée sur la 1330-CVAE afin de permettre la compensation, par l’Etat, aux collectivités, de la franchise de paiement accordée aux entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 152 500 sans excéder 500 000€. Les entreprises micro-BIC, si elles relèvent du plafond de 70 000€, et les entreprises micro-BNC, ne sont pas concernées.

Apport partiel d’actif : Plus-value à réintégrer

Lorsqu’une société apporte à une autre une partie de ses éléments d’actif amortissables ou non, elle est exonérée d’impôt sur les plus-values réalisées lors de l’apport si la société bénéficiaire de cet apport s’engage à réintégrer les plus-values par parts égales sur une période maximale de cinq ou quinze ans selon la nature des immobilisations (articles 210 et 201B du code général des impôts). Dans un arrêt rendu par la cour administrative d’appel de Marseille le 22 mars 2018, une société avait bénéficié de deux apports partiels d’actif (APA), avec prise d’effet au 31 décembre 2011. Lors d’une vérification de comptabilité, l’administration réintègre dans le résultat imposable de la société au titre de l’exercice clos en 2011, un cinquième ou un quinzième, selon leur nature, du montant des plus-values d’apport des éléments amortissables. La société conteste les modalités de cette réintégration qui, selon elle, devait être déterminée, prorata temporis, à partir de la date d’effet des opérations d’apport, soit le 31 décembre 2011, et être donc limitée à un seul jour. La cour administrative d’appel n’est pas de cet avis. Elle considère qu’aucun prorata temporis ne doit être appliqué lorsque la date de l’opération ne prend pas effet, comme ne l’espèce, au 1er jour de l’exercice. En effet, l’application d’un prorata temporis aboutirait à la réintégration sur plus de cinq ou quinze exercices de fractions inégales de plus-values d’apport, en contradiction avec les dispositions de l’article 210 B du code général des impôts.

Intérêt économique : Imposition de la soulte reçue

En cas d’apport de titres à une société soumise à l’IS, la plus-value d’apport bénéficie d’un report d’imposition automatique lorsque l’apporteur contrôle la société bénéficiaire de l’apport (article 150-0 B ter du code général des impôts). Pour les opérations réalisées avant 2017, le report d’imposition s’applique intégralement à la plus-value d’apport, y compris pour la soulte reçue, dès lors que son montant est inférieur à 10% de la valeur nominale des titres reçus (pour les échanges réalisés depuis 2017, la soulte est imposée immédiatement même si son montant est inférieur à 10% de la valeur nominale des titres reçus). En l’espèce, le contribuable détenteur de 90% du capital de la SARL A en a fait apport à une holding créée à cet effet. Cet apport a été rémunéré par des titres de la holding et par une soulte (818 810€) n’excédant pas 10% de la valeur nominale des titres reçus, inscrite au crédit du compte courant d’associé ouvert au nom de l’apporteur dans la holding. La plus-value d’apport a bénéficié du report d’imposition, y compris le montant correspondant à la soulte. Deux mois plus tard, la société apporteuse a décidé le versement d’un dividende de 1 350 000€ (90% x 1 500 000€) au profit de la holding. Un an plus tard, la soulte inscrite au compte courant d’associé a été remboursée au contribuable et placée sur un contrat de capitalisation. Compte tenu du calendrier des opérations, la soulte avait été, en réalité, financée par le versement des dividendes. L’administration a considéré que, sous couvert d’une opérations d’échange de titres avec soulte, le contribuable avait appréhendé des liquidités en franchise d’impôt, alors qu’en l’absence d’interposition de la société bénéficiaire de l’apport, les dividendes attachés aux titres apportés auraient été soumis à l’impôt sur le revenu entre ses mains. Par la suite, elle a écarté la qualification de soulte, remis en cause le bénéfice du report d’imposition et taxé les sommes appréhendées par le contribuable dans la catégorie des revenus distribués. Selon le comité de l’abus de droit fiscal, l’administration fiscale était fondée à mettre en oeuvre la procédure de l’abus de droit fiscal pour restituer le véritable caractère de distribution au versement de la soulte réalisée.

CHSCT : Expertise

Le CHSCT (le CSE pour les entreprises qui en sont dotées) peut faire appel à un expert agréé en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail. Le terme de “projet” sous-entend que les mesures envisagées n’ont pas encore été mises en oeuvre. C’était ce que soutenait un employeur en réponse à une expertise votée par le CHSCT, alors que la nouvelle organisation était en cours de déploiement. La Cour de Cassation a néanmoins estimé que le CHSCT pouvait recourir à un expert pour l’éclairer sur une nouvelle organisation du travail, quand bien même cette nouvelle organisation avait commencé à être mise en oeuvre. (Cass. 14 mars 2018).

Atteinte à l’égalité de traitement : Preuve par le salarié

Dans une série d’affaires consacrées à une indemnité spécifique aux agents de La Poste, la Cour de Cassation est revenue sur une règle essentielle propre au contentieux relatif au principe d’égalité de traitement. Des salariés dotés du statut d’agents de droit privé reprochaient l’existence d’une différence de traitement injustifiée entre eux et des salariés ayant le statut de fonctionnaires, sans préciser les fonctions exercées aussi bien par eux-mêmes que par les fonctionnaires auxquels ils se comparaient. Mais la Cour de Cassation relève qu’il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d’égalité de traitement de démontrer qu’il se trouve dans une situation identique ou similaire à celui auquel il se compare. Par le passé, la Cour avait déjà énoncé que si l’employeur doit assurer l’égalité d’une rémunération entre tous les salariés placés dans une situation identique, il appartient néanmoins au salarié qui s’estime lésé de présenter au juge des éléments de comparaison avec des collègues qui “à travail égal” bénéficient d’une rémunération supérieure. Dans ce cas, l’employeur doit alors établir que la disparité de la situation constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Les salariés n’ayant pas démontré qu’ils exerçaient des fonctions identiques ou similaires à celles des fonctionnaires auxquels ils se comparaient, la Cour de Cassation a cassé la décision de la cour d’appel qui leur donnait gain de cause, sans renvoyer devant une autre juridiction. Elle a ainsi mis fin au litige. (Cass.4 avril 2018).

Succession : Régime matrimonial

Pour les successions ouvertes à compter du 1er août 2015 présentant un caractère international, la loi applicable à la succession est unifiée au profit de la loi de la dernière résidence habituelle du défunt. En l’espèce, le défunt de nationalité allemande et résidant habituellement en Allemagne, propriétaire d’un bien immobilier en Suède, a laissé pour recueillir sa succession son épouse et son fils unique, chacun pour moitié (selon le droit allemand, en cas de décès, le quart successoral du conjoint survivant est majoré d’un quart supplémentaire lorsque les époux étaient mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts) Demandant l’établissement d’un certificat successoral européen leur permettant de prouver leurs qualités et droits successoraux en Suède sur l’immeuble au nom du défunt, le tribunal allemand a refusé, au motif que, sur la moitié revenant à l’épouse survivante, un quart découlait de son régime matrimonial. Or, les questions liées aux régime matrimoniaux sont expressément exclues du règlement successions. Saisie de plusieurs questions préjudicielles sur le champ d’application du règlement successions, la Cour de Justice de l’Union européenne déclare que relève du règlement successions une disposition nationale telle celle du droit allemand qui prévoit, lors du décès de l’un des époux, une répartition des acquêts forfaitaire par majoration de la part successorale du conjoint survivant. (CJUE 1er mars 2018).

Relations commerciales : Rupture partielle brutale

Un laboratoire pharmaceutique veut refondre le packaging de ses produits. il met en concurrence trois prestataires, dont l’entreprise de graphisme avec laquelle il travaille depuis 20 ans. A partir de là, le laboratoire va confier de moins en moins de travaux à l’entreprise de graphisme, ce qui provoque naturellement une baisse de son chiffre d’affaires. L’entreprise réclame des dommages et intérêts au laboratoire lui reprochant d’avoir, sans préavis, rompu partiellement leurs relations commerciales (article L.442-6, I. 5° du code du commerce). Les juges rejettent cette demande eu égard au processus de mise en concurrence mis en place par le laboratoire, cette mise en concurrence pouvant légitimement conduire à un changement de prestataire. La Cour de Cassation censure les juges du fond. Ils n’auraient pas dû rejeter la demande du prestataire sans vérifier d’abord l’existence d’un appel d’offre écrit. (Cass. 14 février 2018).

Sécurité sociale : Cotisations

Est nulle la mise en demeure relative aux majorations complémentaires qui ne comporte pas l’indication de la nature et du montant des cotisations auxquelles elle se rapportent, les seules mentions du montant ne permettant pas à la cotisante de connaître la cause, la nature et l’étendue de son obligation. (Cass. 4 avril 2018).

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