Procédures collectives : Omission de déclarer la cessation des paiements

Le dirigeant de deux sociétés en liquidation judiciaire est sanctionné par une interdiction de gérer d’une durée de trois ans, notamment pour avoir omis de demander l’ouverture des procédures collectives dans les quarante-cinq jours suivant la cessation des paiements de chaque société (articles L.653-8 et R.653-1 alinéa 2 du code de commerce). L’arrêt d’appel confirmant la sanction est cassé par la Cour de Cassation (arrêt du 24 mai 2018) pour violation du principe de nécessité des peines reconnu par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et de l’article L.653-8 alinéa 3 du code de commerce modifié par la loi du 6 août 2015. En effet, la cour d’appel n’a pas recherché si c’était “sciemment” que le dirigeant avait, en 2013, omis de déclarer la cessation des paiements dans le délai requis, terme ajouté en 2015 pour éviter la condamnation de celui qui a simplement été négligent (Cass. 14 juin 2017). Dans un attendu de principe très général, la disposition sur l’interdiction de gérer faisant figure de simple illustration (“telle que”), la Cour énonce que le respect du principe de nécessité des peines, “dont découle la règle de l’application immédiate de la loi pénale plus douce, commande que, lorsque le juge civil est amené à prononcer une sanction ayant le caractère d’une punition, la loi nouvelle moins sévère reçoive application aux procédures collectives en cours”. La solution, qui concerne donc des faits antérieurs à l’entrée en vigueur du texte modifié, est conforme à la jurisprudence du Conseil Constitutionnel, qui a consacré le principe de rétroactivité in mitius et reconnu que l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen était applicable à toute sanction ayant le caractère de punition, fût-elle prononcée par une juridiction non répressive voire par une autorité non judiciaire (Conseil Constitutionnel, note du 20 janvier 1981 ; Cons. Constitutionnel du 3 décembre 2010). En outre, le Conseil Constitutionnel retient que l’interdiction de gérer est bien une punition (Cons. Constitutionnel du 29 septembre 2016, abrogeant l’article L.654-6 du code de commerce pour violation du principe d’égalité devant la loi). Est par là-même conforté le refus de la Cour de Cassation de renvoyer au Conseil Constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité discutant, dans cette affaire, l’application dans le terme de l’article L.653-8 du code de commerce (Cass. 14 décembre 2017). Les moyens du pourvoi montrent certes que la sanction du dirigeant était aussi motivée par des irrégularités comptables. Néanmoins, cette sanction aurait peut-être été moins sévère si l’omission de déclarer les cessations des paiements n’avait pu être caractérisée (Cass. 8 mars 2011). Ainsi, peut-on expliquer le dernier attendu de l’arrêt : “la condamnation à l’interdiction de gérer ayant été prononcée en considération de plusieurs fautes, la cassation encourue à raison de l’une d’entre elle entraîne, en application du principe de proportionnalité, la cassation de l’arrêt”. En ce sens, la Haute juridiction avait déjà décidé que lorsque plusieurs faits sont retenus à l’appui d’une sanction de faillite personnelle, chacun doit être légalement justifié (Cass. 1er décembre 2009, visant le principe de proportionnalité ; Cass. 8 mars 2011, pour l’interdiction de gérer).

Cautionnement : Conjoints séparés de biens

Conformément à l’article L.341-4 du code de la consommation devenu L.132-1 (ordonnance du 14 mars 2016), le cautionnement accordé par une personne physique à un créancier professionnel est inefficace lorsqu’il est manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution à la conclusion du contrat, à moins que son patrimoine ne lui permette de faire face à son engagement au moment où elle est appelée. L’appréciation de la proportionnalité exigée par ce texte pose des difficultés en présence d’une caution mariée, car le texte doit alors être concilié avec les règles gouvernant son régime matrimonial. En l’espèce, l’associé d’une société marié sous le régime de séparation de biens arguait du caractère manifestement disproportionné du cautionnement qu’il avit consenti pour garantir les dettes de sa société. Or, l’épouse de la caution disposait de revenus et de biens suffisamment conséquents pour contribuer de manière substantielle à l’entretien du ménage, ce qui, d’après les juges du fond excluait le caractère disproportionné du cautionnement. En d’autres termes, du fait de la communauté de vie des époux, ils avaient pris en compte la globalité du patrimoine du couple. Ce faisant, la cour d’appel pensait sans doute respecter l’objectif de l’article L.341-4 du code de la consommation qui est d’éviter que la caution ne se retrouve totalement démunie pour faire face à son engagement, mais, c’était oublier que le régime de séparation de biens se caractérise par l’autonomie financière de chacun des époux tel que le prévoit l’article 1356 du code civil. La Cour de Cassation censure donc l’arrêt d’appel au visa de l’article L.341-4 du code de la consommation et l’article 1356 du code civil. Le gage des créanciers bénéficiaires du cautionnement étant limité dans une telle hypothèse aux seuls biens personnels de la caution, il est logique d’apprécier la proportionnalité de son engagement à hauteur de sa capacité contributive sans considération des biens du conjoint. La Cour de Cassation a jugé différemment dans le cas d’un cautionnement accordé par une caution mariée sous un régime de communauté sans le consentement de son conjoint. Dans ce cas, on sait que l’article 1415 du code civil protège le conjoint non consentant en excluant les biens communs de l’assiette du gage des créanciers et pourtant, dans un arrêt du 15 novembre 2017 la Cour de Cassation a approuvé une cour d’appel qui avait pris en compte les biens communs pour apprécier la disproportion du cautionnement contracté sans le consentement de l’autre conjoint. Quoiqu’il en soit, face à des époux mariés sous le régime de séparation des biens, les banques ne manqueront pas d’exiger l’engagement solidaire de l’autre époux. Mais cela n’implique pas une appréciation du cautionnement par rapport au patrimoine du couple. La Cour de Cassation a, en effet, précisé (Cass. 25 novembre 2015) que malgré un engagement solidaire d’époux séparés de biens, l’appréciation de la disproportion doit être individuelle à chaque époux, y compris en présence de biens indivis, ce qui veut dire que l’engagement peut être disproportionné pour l’un et non pour l’autre.

Procédure collective : Sanctions et déchéance

L’action en responsabilité pour insuffisance d’actif exercée par des créanciers nommés contrôleurs doit être précédée d’une mise en demeure au liquidateur délivrée conjointement par au moins deux d’entre eux et la régularisation doit intervenir avant l’acquisition de la prescription triennale (Cass. 24 mai 2018)

Auto-entrepreneurs – EIRL : Exonération de bénéfices en ZRR

L’administration fiscale a apporté des précisions concernant le bénéfice de l’exonération en cas de première transmission d’une entreprise ou société reprise en RR au sein du cercle familial. Les petites entreprises créées ou reprises en ZRR du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2020 peuvent bénéficier d’une exonération complète d’IS pendant 5 ans, suivie d’une exonération partielle pendant 3 ans, sous certaines conditions (article 44 quindecies du code général des impôts). De nouveaux critères de classement de zone en ZRR sont entrés en vigueur à compter du 1er juillet 2017 (loi du 29 décembre 2015 ; arrêté du 16 mars 2017). L’administration a précisé que la mise en place du nouveau classement en ZRR se traduit notamment par le fait que certaines communes non classées auparavant sont entrées dans le zonage à compter du 1er juillet 2017. Dès lors, les entreprises qui se sont créées ou qui ont repris une activité préexistante avant le 1er juillet 2017 dans ces communes non classées auparavant ne peuvent bénéficier du dispositif d’exonération (BOFiP du 06 juin 2018). Une clause anti-abus prévoit que l’exonération ne s’applique pas en principe aux opérations de reprises ou restructurations à l’issue desquelles le cédant et sa famille détiennent ensemble la majorité des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de l’entité reprise. Toutefois, cette clause a été assouplie en permettant d’accorder le bénéfice de l’exonération au titre de la première transmission dans le cadre familial (article 44 quindecies du code général des impôts ; BOFiP du 06 juin 2018). L’allègement est ainsi maintenu : – lorsque la société, la personne morale ou le groupement fait l’objet d’une première opération de reprise ou de restructuration à l’issue de laquelle le cédant, son conjoint, le partenaire de Pacs, leurs ascendants et descendants, leurs frères et soeurs détiennent ensemble, directement ou indirectement, plus de 50% des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société, de la personne morale ou du groupement soit repris, soit bénéficiaire de l’opération de reprise ou de restructuration ; – lorsque l’entreprise individuelle fait l’objet d’une première opération de reprise ou de restructuration réalisée au profit du conjoint de l’entrepreneur individuel, du partenaire auquel il est lié par un PACS, de leurs ascendants et descendants ou de leurs frères et soeurs. Notons que pour les entreprises individuelles, l’assouplissement de la clause anti-abus s’applique dès l’impôt sur le revenu dû au titre de 2017. La mesure s’applique pour les sociétés (soumises à l’IS ou à l’IR) aux opérations de reprise et de restructuration réalisées à compter du 30 décembre 2017 (BOFiP du 06 juin 2018). L’administration fiscale précise que la transformation d’une entreprise individuelle soumise au régime du micro-entrepreneur en EIRL (assimilée sur option à une EURL), emporte cessation d’activité et création d’une nouvelle personnalité fiscale. Dans ces conditions, le micro-entrepreneur qui cesse son activité sous ce statut pour l’exercer sous la forme d’EIRL (ou assimilée sur option à une EURL soumise à l’IS), doit être regardé comme ayant procédé à une cessation, puis à une création d’activité (article 1655 sexies du code général des impôts). Considérant qu’il s’agit d’une première opération de reprise à l’issue de laquelle le cédant détient plus de 50% (en l’occurrence 100%) de la société bénéficiaire de la reprise, l’opération est susceptible de bénéficier du régime d’exonération des entreprises implantées en ZRR (BOFiP du 06 juin 2018). Par exemple, un contribuable donne à louer des chambres au sein d’un gîte implanté en ZRR sous le régime de la micro-entreprise. Au 1er décembre 2017, elle crée une SAS, afin de reprendre l’activité de location meublée avec prestations para-hôtelières. A l’issue cette opération, l’exploitante et son conjoint détiennent respectivement 51% et 49% du capital de la nouvelle entreprise. En principe, la SAS devrait pouvoir bénéficier du maintien de l’allègement de bénéfice, dans la mesure où il s’agit de la première opération de reprise pour l’entreprise. Toutefois, au cas présent, la société ayant été créée avant le 30 décembre 2017, elle ne peut pas prétendre bénéficier des exonérations.

Médecin du travail : Dénonciation de faits

Un médecin du travail avait délivré à un salarié un certificat médical dans lequel il faisait notamment état d’un “enchaînement délétère de pratiques maltraitantes” de la part de l’employeur. Le salarié s’était, par la suite, servi de ce certificat dans le cadre d’un litige prud’hommal. Or, le médecin du travail n’avait pas pu constater lui-même les pratiques qu’il dénonçait, puisqu’elles se rapportaient à une affectation antérieure du salarié, sur un autre site de l’entreprise. L’employeur avait en conséquence saisi le Conseil de l’ordre, qui avait infligé au médecin un avertissement. A l’occasion du recours formé par le médecin contre cette décision, le Conseil d’Etat rappelle, en premier lieu, conformément à sa jurisprudence (CE, 11 octobre 2017), que l’employeur peut introduire une plainte disciplinaire “dès lors qu’il est lésé de manière suffisamment directe et certaine par un certificat ou une attestation établie par un médecin du travail”. Quant au manquement du médecin à ses obligations déontologiques, le Conseil d’Etat estime qu’un certificat établi par un médecin du travail peut légitimement prendre parti su un lien entre l’état de santé du salarié et ses conditions de vie et de travail dans l’entreprise. Néanmoins, il ne saurait établir un tel certificat qu’en considération de constats personnellement opérés par lui, tant sur la personne du salarié que sur son milieu de travail. Or, dans cette affaire, le médecin n’avait pas constaté lui-même les faits de maltraitance qu’il relatait. La sanction disciplinaire était donc justifiée. (CE, 6 juin 2018).

Syndicats professionnels : Elections partielles

La loi du 17 août 2015 a introduit une exigence de représentation équilibrée des femmes et des hommes sur les listes de candidat aux élections professionnelles. Pour chaque collège électoral, les listes de candidats doivent être composées : d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale établie pour le collège considéré ; alternativement d’un candidat de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats d’un des sexes (articles L.2314-1 et L.2324-22-1 du code du travail). La violation de ces règles entraîne l’annulation de l’élection d’un nombre d’élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats de ce sexe dont il apparaît qu’ils sont en surnombre et de l’élection des élus dont le positionnement est irrégulier (articles L.2314-25 et L.2324-23 du code du travail) avec dispense pour l’employeur d’organiser des élections partielles (articles L.2314-7 et L.2324-10 du code du travail). Dans l’arrêt rapporté, la Cour de Cassation (Cass. 16 mai 2018) accepte de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité relative aux conséquences de l’annulation. Autrement dit, les dispositions précitées prévoyant “ l’annulation de l’élection des représentants du personnel du sexe surreprésenté ou mal positionné sur la liste des candidatures sans assortir cette sanction de dispositions prévoyant le remplacement des sièges vacants selon des modalités permettant d’assurer l’effectivité de la représentation proportionnelle des deux sexes dans les instances représentatives du personnel voulue par le législateur et sans obliger l’employeur, dans cette hypothèse, à organiser de nouvelles élections si un collège électoral n’est plus représenté ou si le nombre de représentants du personnel titulaires est au moins réduit de moitié” ne sont-elles pas contraires à la Constitution : principe d’égal accès de femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales, principe de participation des travailleurs, principe selon lequel l’incompétence négative du législateur ne doit pas affecter un droit ou une liberté garanti par la Constitution? La Cour de Cassation admet le sérieux de la question prioritaire de constitutionnalité en décidant que “ les dispositions contestées qui peuvent aboutir à ce que plusieurs sièges de délégués du personnel et de membres du comité d’entreprise demeurent vacants, y compris dans le cas où un collège électoral n’est plus représenté ou si le nombre de délégués titulaires ou des membres du comité d’entreprise est réduit de moitié ou plus, sont susceptibles de porter atteinte au principe de participation”. La solution n’a rien de surprenant au vu de la décision du Conseil Constitutionnel sur la loi de ratification des ordonnances (Cons. Constitutionnel 21 mars 2018). En effet, l’ordonnance du 22 septembre 2017 reprend l’exigence de représentation équilibrée s’agissant des élections des membres du comité social et économique (CSE) (article L.2314-30 du code du travail). Or, le Conseil Constitutionnel, après un rappel des motifs du législateur ( établissement des listes relevant des organisations syndicales ; incitation au respect des règles de représentation équilibrée), a déclaré que les dispositions dispensant l’employeur d’organiser des élections partielles en cas de violation des règles de la représentation équilibrée sur les listes de candidats au CSE portaient une atteinte manifestement disproportionnée au principe de participation des travailleurs. Peu de suspens entoure donc le sort de la question prioritaire de constitutionnalité.

Haute autorité pour la transparence de la vie publique : Bilan

Le 31 mai 2018, la Haute autorité (HATVP) a publié le bilan des premières déclarations d’activités fournies par les représentants d’intérêts. Les organisations inscrites avaient jusqu’au 30 avril 2018 pour déclarer leurs activités de représentation d’intérêts effectuées au cours du second semestre 2017. A l’issue de cette échéance, 866 représentants d’intérêts (sur 1 586 enregistrés) ont déclaré leurs activités de représentation d’intérêts. L’objet d’une action de représentation d’intérêts est la principale information autour de laquelle s’articule chaque déclaration d’activités. Cette notion a été comprise et renseignée de manière diverse par les représentants d’intérêts. La HATVP complètera donc prochainement ses lignes directrices afin de mieux expliciter cette notion et de mieux guider les personnes chargées de remplir les déclarations d’activités. Elle a, par ailleurs, engagé une première série de contrôles afin d’identifier les représentants d’intérêts non-inscrits et rappelle que ceux qui n’ont pas accompli les formalités nécessaires sont susceptibles de s’exposer à une sanction pénale d’un an d’emprisonnement et de 15 000€ d’amende.

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